Divorce, séparation : "Le juge doit prendre une décision dans l’intérêt de l’enfant"
Publié le 12 juin 2013 à 11:53
Par Ide Parenty
Des papas séparés ont manifesté dimanche matin sur la place de l'Opéra à Paris pour réclamer « l'égalité parentale » et la modification de la loi pour « contraindre les magistrats à appliquer la résidence alternée quand les deux parents demandent la garde de l'enfant ». Mais qu'en est-il exactement aujourd'hui de la garde alternée et comment les décisions sont-elles prises ? On fait le point avec Virginie Ricaud-Murat, avocate spécialisée en droit de la famille.
Divorce, séparation : "Le juge doit prendre une décision dans l’intérêt de l’enfant" Divorce, séparation : "Le juge doit prendre une décision dans l’intérêt de l’enfant"© Thinkstock
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Terrafemina : Que se passe-t-il lorsque, lors d’une séparation, les deux parents demandent la garde de l’enfant. Comment la décision de garde chez l’un, chez l’autre ou en garde alternée est-elle prise ?

Virginie Ricaud-Murat : Lorsque les deux parents demandent la garde de l’enfant, le juge regarde les pièces et les arguments de chacun. Si les dossiers sont contradictoires, c’est-à-dire que chacun invoque des griefs envers l’autre, le juge doit trancher. Il aura alors tendance à donner la garde de l’enfant au parent qui aura plus de facilité à le laisser régulièrement à son ex-conjoint. Si le juge ne peut prendre de décision, il demande alors l’avis d’un expert avec enquête sociale et s’en remet à elle dans 99% des cas.

Quant à la garde alternée, si elle a été beaucoup pratiquée après la loi de 2002 qui l’a permise, elle est aujourd’hui peu utilisée notamment chez les petits (moins de 6 ans). Les psychiatres ont en effet montré des liens entre l’angoisse et l’anxiété de certains enfants et la garde alternée. Elle n’est donc permise uniquement quand les parents sont d’accord sur cette option. Mais le juge peu tout de même la refuser, s’il considère qu’elle n’est pas dans l’intérêt de l’enfant. Il se base sur plusieurs critères : la domiciliation des deux parents, suffisamment proche de l’école, la possibilité de recevoir les enfants dans de bonnes conditions et parfois, la bonne entente des deux parents. Mais cette dernière donnée, systématique pendant plusieurs années, ne l’est plus aujourd’hui...

Tf : Selon des statistiques du ministère de la Justice, la garde des enfants revient à la mère dans sept divorces sur dix. Comment peut-on expliquer ces chiffres ?

V. R.-M. : D’abord, il faudrait pouvoir comparer ce chiffre au nombre de pères séparés qui demandent la résidence de leur enfant, ils sont en minorité. Ils sont en revanche, plus nombreux à demander un droit de visite élargi (1 week-end sur deux, plus une soirée ou deux par semaine en alternance des week-ends). Par ailleurs, le juge est très sensible aux arguments de disponibilité pour l’enfant. Et cette question n’ayant pas beaucoup avancée dans les entreprises : ce sont toujours les mères qui partent à 17h45 pour aller chercher les enfants, les pères ont alors un désavantage. La juge va aussi avoir tendance à se baser sur la façon dont les tâches étaient partagées lorsque le couple vivait ensemble. Et si la mère, là encore, s’occupait plus de l’enfant, il aura en effet tendance à lui confier.

Tf : Les pères qui manifestaient dimanche souhaitent contraindre les magistrats à appliquer la résidence alternée quand les deux parents demandent la garde de l’enfant. Est-ce une bonne idée selon vous ? Pourquoi ?

V. R.-M. : Non, ce n’est pas une bonne idée. Ce ne peut pas être une décision systématique. Le juge doit prendre une décision dans l’intérêt de l’enfant, au-delà de la volonté des parents. Le juge peut refuser une garde alternée, s’il estime que ce sera trop fatiguant pour un enfant par exemple. Mais, il me semble important de rappeler qu’au-delà de la décision du juge, le droit de visite et d’hébergement s’organise librement. Les parents font ce qu’ils veulent, mais évidemment cela a un impact financier et fiscal… Ou alors, à eux, là encore, de s’organiser. Charge à eux, enfin de revenir devant le juge après les six ans de l’enfant pour faire modifier cette décision.

Tf : Les pères qui manifestaient dimanche demandent par ailleurs « plus de place à la conciliation et la médiation, en amont des décisions de justice ». Qu’en pensez-vous ?

V. R.-M. : C’est déjà ce que l’on essaie de faire depuis plusieurs années. Nous organisons des rendez-vous dans un service de conciliation et de médiation. Il permet d’atténuer les conflits, de rétablir une communication avant le passage devant le juge. Pour aller plus loin, il faudrait que ces médiateurs soient formés juridiquement, car ces rendez-vous ne permettent pas encore d’aboutir à des accords. Mais nous allons aussi dans ce sens, en incitant les avocats au droit collaboratif, c’est-à-dire en les poussant à aboutir à des conciliations entre les deux parties, plutôt qu’à se perdre dans le conflit.

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Société parents enfants
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