En termes d'égalité professionnelle hommes-femmes, la France est loin d'être championne. La loi du 17 août 2015 impose à toute entreprise de plus de 50 salarié·e·s de signer un accord pour l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes ou, à défaut la mise en place d'un plan d'action pour parvenir à cette égalité.
Mais selon un rapport du Conseil économique, social et environnemental (CESE) publié en janvier 2018, le pourcentage d'entreprises franciliennes de plus de 50 salarié·ées qui ont mis en place un plan de réduction des inégalités salariales ou signé un accord pour instaurer la parité s'élève à 30%.
Ces calculs se rapprochent de ceux du porte-parole d'Europe Ecologie Les Verts Julien Bayou, qui s'est procuré auprès de la Direccte la "liste verte" des entreprises de huit départements d'Île-de-France qui appliquent la loi pour l'égalité professionnelle. "Je veux bien admettre que ma liste n'est peut-être pas exhaustive. Mais qu'on soit à 23% ou à 30%, le problème reste le même : on reste très loin des 100%", déplore le conseiller régional d'Île-de-France, également représentant du collectif Pouvoir Citoyen.
Mardi 18 septembre, Julien Bayou et Fatima Benomar de l'association féministe Les Effronté.es ont déposé un recours en cassation au Conseil d'État. Cette action résulte d'un long combat puisque l'association et le collectif demandent depuis 3 ans au gouvernement de publier la liste noire des entreprises de plus de 50 salarié·ées qui ne remplissent pas les critères en matière d'égalité salariale hommes-femmes imposés par la loi.
En avril dernier, leur action les a mené (avant le recours en cassation) devant le tribunal administratif de Paris. "Notre requête a été refusée au motif que cela pourrait porter préjudice aux entreprises concernées ! Or, ce sont les femmes qui subissent ces préjudices et non les entreprises", regrette Fatima Benomar. "Ils nous ont ensuite dit qu'ils auraient pu nous procurer le document si cela avait répondu à 'un objectif d'intérêt public'. Traduction : l'inégalité salariale n'est pas un objectif d'intérêt public !"
La militante nous raconte son entrevue avec la prédécesseuse de Marlène Schiappa, Laurence Rossignol, deux ans plus tôt : "Elle m'a reçue et m'a dit qu'elle ne pouvait pas me donner la liste car elle n'existait pas. Pourtant, les chiffres qu'elle donnait à l'époque sur les entreprises qui enfreignaient la loi étaient précis : 97 exactement. Elle m'a répondu que ça l'embêtait de sanctionner des entreprises qui, depuis, essayaient de faire un effort. Ce à quoi j'ai répondu que si elle reconnaissait l'effort, elle savait de qui on parlait précisément. Elle s'est empressée de me demander si je voulais un peu de thé et l'échange s'est arrêté là."
Contactée à plusieurs reprises par Les Effronté·es pour une rencontre depuis le début du quinquennat d'Emmanuel Macron, Marlène Schiappa, secrétaire d'État chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes n'a jamais donné suite à ces demandes, affirme Fatima Benomar.
Selon le décret Belkacem voté en 2012, les entreprises qui ne respectent pas les accords d'égalité salariale encourent des sanctions pouvant aller jusqu'à 1% de la masse salariale ou se voir refuser l'accès aux marchés publics. "Ce sont des sanctions assez lourdes pour les entreprises. Mais comment savoir si elles sont réellement appliquées puisque nous ne connaissons pas les entreprises qui ne sont pas en règle ?", souligne Julien Bayou.
L'élu EE-LV et Fatima Benomar attirent également l'attention sur le fait que d'autres listes d'entreprises qui enfreignent la loi sont transmises sans problème par le gouvernement : "on peut par exemple divulguer le nom des entreprises qui sont pénalisées quand elles ne respectent pas le délai de paiement à leurs fournisseurs. Pourquoi c'est important de divulguer ces délais de paiement et pourquoi on ne considère pas ça essentiel quand il s'agit de l'égalité salariale ?", déplore Julien Bayou.
D'après des chiffres du ministère du Travail, l'écart salarial entre les hommes et les femmes en France s'élève à 25,7%, tous temps de travail confondus et à 9% à poste équivalent.
Selon un sondage Viavoice - France 2 - RTL dévoilé en mars dernier, 75 % des Français (dont 88 % des femmes et 60 % des hommes interrogés) estiment que les femmes sont toujours pénalisées dans leurs carrières par rapport aux hommes.