Société
Egypte : « Mohammed Morsi/Ahmed Chafiq, les deux faces d'une même pièce »
Publié le 5 juin 2012 à 10:01
Par Marine Deffrennes
Samira Ibrahim, la jeune égyptienne qui a porté plainte pour avoir subi un test de virginité après avoir été arrêtée place Tahrir, est de passage en France, invitée par le ministère des Affaires étrangères avec une dizaine d'autres femmes militantes du monde arabe. Elle se prononce sur le 2e tour de l'élection présidentielle en Egypte qui doit avoir lieu les 16 et 17 juin.
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Terrafemina : Quelle a été votre réaction suite aux verdicts du procès Moubarak, dans lequel six responsables du régime déchu ont été relaxés ?

Samira Ibrahim : Je suis en colère bien entendu. Cela traduit toute la démagogie qui règne actuellement en Egypte. Je m’attendais à un jugement juste, or la décision rendue ne l’est pas. Pour Hosni Moubarak, on s’attendait à ce qu’il soit condamné à mort, sans parler de ses deux fils, Alaa et Gamal, qui représentent la cheville ouvrière de toute la corruption qui rongeait l’Egypte, or ils ont été relâchés. Il ne faut pas oublier que la corruption était partout, dans toutes les institutions de l’Etat.

Tf. : Parmi les personnes qui ont été relâchées, il y a également des chefs de la police. Vous-même vous avez été la victime de ce système répressif, notamment en mars 2011. Qu’attendez-vous à présent par rapport à votre propre procès ?

S. I. : Ceux qui sont relâchés aujourd’hui ce sont les responsables des assassinats qui ont eu lieu en Egypte les dix-huit premiers jours de la Révolution. Moi j’ai porté plainte contre les militaires en général, pas forcément contre les gens qui travaillaient au ministère de l’Intérieur. C’est une plainte contre un système. J’ai épuisé tous les recours en Egypte, devant la justice militaire, et devant la justice civile, c’est pour cela que désormais je m’adresse à la Commission africaine des droits de l’Homme. La justice militaire reçoit ses ordres de l’institution militaire au pouvoir, il était peu probable que la justice condamne cette institution…

Tf. : Nous sommes entre les deux tours de l’élection présidentielle en Egypte, le choix entre Mohammed Morsi, candidat des Frères musulmans, et Ahmed Chafiq, ancien ministre d’Hosni Moubarak, est-il difficile pour vous ?

S. I. : Je boycotte cette élection et toutes les élections organisées sous le règne des militaires. Quant à Mohammed Morsi et Ahmed Chafiq, pour moi ce sont les deux faces d’une même pièce. Je n’ai pas voté au premier tour et ne voterai pas non plus au deuxième.

Tf : Plusieurs milliers de personnes sont encore rassemblées place Tahrir, que pensez-vous que cela puisse donner ? Restez-vous mobilisée ?

S. I. : Nous allons rester place Tahrir jusqu’à la chute définitive et totale du régime. Car nous avons peut-être fait tomber la tête du régime, mais l’appareil de la dictature est toujours là. On le retrouve derrière les services de renseignement militaire par exemple. Nous attendons que justice soit rendue à toutes les victimes de la révolution.

Tf. : Qu’attendez-vous de cette visite en France ?

S. I. : Ce qu’on attend de la France c’est peut-être qu’elle accorde de l’intérêt à ce qu’il se passe, principalement en ce qui concerne la rédaction de la Constitution, afin qu’elle reflète l’ensemble de la société et ne donne pas la part belle aux islamistes. Il ne s’agit pas de faire ingérence mais peut-être juste exercer des pressions sur les islamistes pour qu’ils respectent davantage les droits de l'Homme et de la femme. Avec Yamina Benguigui aujourd’hui - ministre déléguée auprès du ministre des Affaires étrangères, chargée des Français de l’étranger et de la Francophonie, ndlr-, nous avons parlé des femmes dans les pays arabes et dans le Printemps arabe, toutes ici en tant que blogueuses, ce que nous attendons, c’est qu’effectivement on accorde de l’importance à ce qu’il se passe dans le monde arabe et au sort des femmes arabes.

Tf. : Quelle est l’influence d’un blog aujourd’hui en Egypte ?

S. I. : Un blogueur ou une blogueuse peuvent mobiliser des centaines de personnes, je ne dirais pas des milliers pour ne pas exagérer, mais les blogueurs et blogueuses traduisent davantage, plus précisément et plus honnêtement la réalité que ne le fait la presse, car celle-ci n’est pas honnête. Nous n’avons pas d’autre réseau que le Net, les prochaines mobilisations partiront nécessairement de là.

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Société Monde droits des femmes
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