Société
Dina Kawar : « La Jordanie vit son printemps en silence »
Publié le 21 février 2012 à 18:21
Par Marine Deffrennes
Ambassadeur de Jordanie en France et à l'UNESCO et coprésidente du forum Moyen-Orient et Afrique du Nord pour les femmes entrepreneurs au sein de l'OCDE, Dina Kawar était l'invitée du dîner de l'Association Terrafemina à l'Unesco le 13 février. Elle nous livre sa vision du printemps arabe et ses espoirs pour les femmes.
Dina Kawar : « La Jordanie vit son printemps en silence » Dina Kawar : « La Jordanie vit son printemps en silence »
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Terrafemina : En tant qu'ambassadeur de Jordanie en France, comment avez-vous vécu les événements du « Printemps arabe » ?

Dina Kawar : On le vit avec le cœur et la tête car ce qui se passe est impressionnant. Nous avons été tout à fait surpris, parce qu’on ne s’attendait pas à ce printemps qui a pris de l’ampleur rapidement partout dans le monde arabe. Ce qui est encourageant, c’est qu’on a vu les jeunes et les femmes dans la rue réclamer justice et dignité humaine et cela en soi m’a marquée.
La prochaine étape est plus délicate, c’est la phase de la reconstruction et il est nécessaire que les réformes politiques, économiques et sociales entreprises soient menées à bien et surtout que les réformes des constitutions soient justes.

TF : Ces événements ont-ils permis de faire émerger une voix politique féminine dans ces pays ?

D. K. : Vous avez vu comme moi que les femmes étaient aussi nombreuses que les hommes dans la rue. Je ne crois pas que la question des femmes va être prioritaire, car il y a des sujets très basiques et vitaux que le monde arabe doit affronter dans un premier temps. Néanmoins, c’est le moment ou jamais de rester vigilants pour que les questions concernant les droits féminins ne soient pas oubliées, et que les constitutions et les lois qui vont naître n’aillent pas à l’encontre de ces droits. On peut regretter que certains pays n’aient inclus que peu de femmes, voire aucune parfois, dans les comités chargés des réformes.

TF : Justement, on a moins suivi les événements en Jordanie. Quelle est la situation dans votre pays, et comment est abordée la question des femmes ?

D. K. : On parle peu de la Jordanie car elle fait partie des pays où une évolution est en cours, comme au Maroc. La presse a plutôt couvert les pays où il y a eu une vraie révolution. Depuis un an, des réformes politiques, économiques et sociales ont été engagées en Jordanie. Toutes les semaines des manifestations de rue ont lieu, mais elles sont pacifistes et encadrées par la police non armée ; en une année il n’y a pas eu de mort ni de blessé. Nous sommes fiers que la population s’exprime en toute tranquillité. Les trois piliers des réformes en cours sont la formation de partis politiques actifs et efficaces, les lois électorales pour plus de représentativité, et la révision de la constitution. Tout cela se fait entre le gouvernement et le parlement, et des élections législatives auront lieu normalement avant la fin de l’année, avec un organisme chargé de surveiller la régularité du scrutin. L’autre grand chantier pour la Jordanie concerne la lutte contre la corruption.

TF : Ces élections seront-elles paritaires ?

D. K. : Paritaires pas encore, mais il y aura certainement un quota de femmes à respecter, comme nous en avons déjà. Un jour nous aurons la parité, je l’espère !

TF : Que pouvez-vous faire en tant que diplomate pour les femmes de votre pays ?

D. K. : De manière concrète, afin de participer au renforcement du rôle des femmes de mon pays, je fais partie de groupes de réflexion et d’action pour ma région. Dans le secteur économique, je co-préside, avec l’Ambassadeur des États-Unis à l’OCDE, le Forum MENA-OCDE pour les Femmes Entrepreneurs. Au sein de ce forum nous travaillons sur des objectifs économiques importants dans la région MENA (Moyen-Orient Afrique du Nord) dont la parité dans le secteur public et privé, le renforcement du rôle de la femme dans le secteur économique ainsi que le développement des programmes de financement pour les femmes entrepreneurs. Dans le secteur de la culture, et avec quelques collègues éminents de l’UNESCO, nous avons créé le Centre International des femmes artistes (ICWA) dont le siège ouvrira bientôt à Amman. Ce centre a pour vocation d’être une plateforme de rencontres des femmes artistes du monde, où elles pourront exposer leurs œuvres, participer à des formations et rencontrer d’autres de leurs consœurs artistes. Ce centre est une première mondiale qui a reçu l’aval unanime de tous les pays membres de l’UNESCO.
Par ailleurs, dans le secteur social, la création en 2002 de l’association Jordan River en France, affiliée à la Fondation Jordan River en Jordanie présidée par Sa Majesté la Reine Rania, nous a permis d’organiser à Paris des soirées caritatives. Ainsi, nous avons réussi à lever des fonds directement alloués à la création de centres de formation pour les femmes dans plusieurs domaines, afin de leur permettre d’accéder à un métier, de devenir indépendantes et de participer à la vie active.

Dina Kawar est Ambassadeur de Jordanie en France et à l’UNESCO, ambassadeur non-résident au Portugal et au Saint-Siège, et co-présidente du forum Moyen-Orient et Afrique du Nord pour les femmes entrepreneurs au sein de l’OCDE.

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Mots clés
Société Monde droits des femmes
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