Pas la peine de chercher les femmes dans le nouveau catalogue Ikea destiné à la communauté haredim israélienne : vous n'en trouverez pas. Repéré mercredi 15 février par le site Yedioth Ahronoth, ce catalogue du géant suédois de l'ameublement destiné à la communauté ultra-orthodoxe d'Israël est plutôt particulier. Pour faire la publicité de ses bibliothèques Billy et autres meubles en kit, Ikea a décidé d'effacer la trace de toute présence féminine. Ni maman, ni adolescente, ni petite fille. Page après page, les familles représentées sont exclusivement composées de petits garçons en train de jouer sur un tapis angora (modèle GÅSER) ou de pères en train de servir du jus d'orange à une table (référence BJURSTA).
La raison ? Les produits présents dans le catalogue sont destinés à plaire à la communauté haredim, ces juifs ultra-orthodoxes plutôt pointilleux quand il s'agit de montrer des représentations de la gent féminine. Minoritaires dans l'État hébreux (10% de la population israélienne, soit 8,5 millions d'habitants selon Libération), les ultra-orthodoxes constituent une clientèle de choix pour acheter tables extensibles pour recevoir à Shabbat et grandes bibliothèques destinées à contenir des livres de prières.
Problème : quand Ikea appelle ses clients à "profiter du plaisir d'être ensemble en famille", il sous-entend visiblement que la famille peut se passer sans problème de ses membres du sexe féminin. Ce n'est d'ailleurs pas la première fois qu'Ikea pratique l'autocensure pour faire plaisir à une communauté religieuse. Les Nouvelles News rappelle en effet qu'en 2012, la firme suédoise avait cette fois-ci fait disparaître les figures féminines de son catalogue destiné à l'Arabie saoudite.
Une "maladresse" qui avait créé un tollé et avait contraint Ikea à présenter ses excuses. L'entreprise n'a visiblement pas retenu la leçon puisque cette fois encore, son catalogue 100% masculin a soulevé de nombreuses réactions indignées sur les réseaux sociaux. "Où est la mère sur cette photo ?", s'interroge un internaute, tandis qu'un autre relève avec sarcasme qu'il "ne savait pas qu'il y avait des familles monoparentales dans la communauté haredim."
Pour enrayer le bad buzz, Ikea Israël a fini par publier un communiqué relayé par l'agence Religion News Service (RNS) pour se justifier. "À la lumière des résultats de nos questionnaires que nous avons reçues, nous avons décidé de lancer un magazine unique qui permet également aux Haredim et à la population religieuse de profiter des produits et des solutions qu'Ikea propose en fonction de leur mode de vie [...] Nous comprenons que des personnes ont été choquées et que cette publication n'est pas en accord avec les valeurs d'Ikea, et nous nous en excusons. Nous nous assurerons que nos futures publications reflètent ce qu'Ikea défend, et dans le même temps respectent la communauté haredim."
Ikea n'est pas le premier à refléter dans ses pages un monde sans femmes. En janvier 2015, au lendemain de la Marche républicaine qui rassemblé à Paris autour de François Hollande des chefs d'État et de gouvernement, l'hebdomadaire israélien Hamevasser avait retouché la photo officielle du cortège et effacé au passage Angela Merkel et Anne Hidalgo. Rebelote en mai 2015 lorsque le site ultra-orthodoxe israélien B'Hadrei Haredim a flouté les femmes ministres sur la traditionnelle photographie de cabinet du nouveau gouvernement au prétexte que "la représentation des femmes est indécente".