En Somalie, 98 % des femmes sont excisées d'après l'UNICEF. Un chiffre aussi impressionnant qu'effroyable. Mais cette pratique de mutilations des femmes pourrait peut-être connaître un début de la fin. C'est l'histoire de la petite Deeqa Dahir Nuur, première morte rapportée publiquement depuis plusieurs années, qui a choqué une partie de la classe politique somalienne qui va peut être faire bouger les lignes.
Le 14 juillet, cette petite fille de dix ans est emmenée par sa mère chez l'exciseuse avec ses deux soeurs dans le village d'Olol, à 65 kilomètres de Dhusamareb, au centre du pays. L'exciseuse a sectionné une veine pendant l'opération rudimentaire. Finalement emmenée à l'hôpital, la petite Deeqa Dahir Nuur est morte d'une hémorragie trois jours après son excision.
Le drame, rapporté par la journaliste somalienne Nafisa Hersi, est arrivé jusqu'à la capitale Mogadiscio. Pendant une conférence sur les mutilations génitales organisée le 25 juillet, le ministre de la Justice, Ahmed Ali Dahir, a fait une annonce surprise concernant la mort de Deeqa. Il a signifié l'envoi de dix inspecteur·trice·s pour interroger les parents et l'exciseuse.
Mahdi Mohamed Gulaid, le vice-Premier ministre somalien, s'est prononcé lors de la même conférence : "Ce n'est pas acceptable qu'au 21e siècle, les mutilations génitales féminines (MGF) continuent en Somalie. Cela ne devrait pas faire partie de notre culture. Et cela ne fait définitivement pas partie de la religion islamique."
Il n'y a aucune loi en Somalie qui punit l'excision mais les activistes s'appuient sur une loi qui condamne les auteurs et autrices de blessures sur autrui. Les autorités religieuses et les conservateur·trice·s font pression pour qu'aucune législation ne passe. Le ministre de la Justice a déclaré selon des propos rapportés par l'organisation End FGM sur son compte Twitter : "Nous sommes prêts à aller en justice." Il a aussi appelé les autorités religieuses du pays à prendre des actions et à aller sur les télévisions et les radios pour faire passer le message au plus grand nombre.
Mais les parents de la petite fille continuent à défendre cette pratique. Selon la journaliste qui a révélé la mort de Deeqa citée par The Guardian : "La mère devient complètement folle – elle a fait couper ses trois filles en même temps par la même exciseuse. La chose triste, c'est que les parents pensent que les mutilations génitales ont normales et ne comportent pas les dangers".
Et ils ne sont pas les seuls. Selon l'association 28TooMany, en Somalie, 33 % des femmes de 15 à 49 ans pensent que l'excision est une pratique qui doit cesser. Mais 64,5 % des femmes dans cette même tranche d'âge estiment que l'excision est une pratique qui doit perdurer. Les annonces politiques, si elles sont encourageantes, ne feront pas tout : il faut aussi effectuer un travail de fond pour faire évoluer les mentalités.
L'excision est majoritairement réalisée entre l'âge de sept et neuf ans. Les trois quart des femmes en Somalie subissent la pire forme d'excision qui soit : l'infibulation. Cette pratique consiste à suturer les grandes lèvres pour ne laisser qu'une petite ouverture pour le passage du sang menstruel et de l'urine. Ces opérations sont la plupart du temps réalisées dans des conditions extrêmement sommaires, par des femmes qui ne sont pas formées, avec comme outils des couteaux, des rasoirs ou du verre brisé.
Un médecin, interrogé par le journaliste Munasar Maxamed indique qu'en plus de l'hémorragie, Deeqa a pu aussi souffrir du tétanos. Ce virus se transmet par contact de plaies avec entre autres des objets rouillés.
Selon un rapport de l'UNICEF datant de 2013, la Somalie est le pire pays du monde en pourcentage de femmes excisées, devant la Guinée et Djibouti. Aujourd'hui, la journaliste qui a fait sortir l'affaire et qui l'a mise en lumière cherche des financements pour réaliser un documentaire sur cette pratique qui mutile les femmes de Somalie.