La tendance #nomakeup a beau faire rage sur Instagram, empressez-vous de dégainer vos tubes de rouges à lèvres et votre eye-liner : il en va de votre avenir professionnel.
C'est la conclusion surprenante d'une étude menée par Jaclyn Wong de l'Université de Chicago, et Andrew Penner, de l'Université de Californie d'Irvine, à paraître en juin 2016 dans le Journal of Social Stratification and Mobility. Ces deux chercheurs ont étudié les liens entre l'attrait physique d'une personne et ses revenus. Mais plutôt que de comparer simplement les revenus des salariés dits "beaux" avec ceux des salariés quelconques, les chercheurs ont pris en considération un nouveau facteur : le soin qu'ils accordent à leur apparence. Wong et Penner ont basé leurs recherches sur une étude nationale de longue durée, dans le cadre de laquelle 14 000 personnes ont été interrogées sur leurs revenus, leurs emplois et leurs études. Mais la beauté et l'attractivité de chacun des participants ont aussi été évaluées et notées en s'appuyant sur différents critères : les cheveux, les mains, la tenue vestimentaire... et le maquillage.
Comme les auteurs de Beauty and the Labor Market avant eux, Daniel S. Hamermesh et Jeff E. Biddle, ils ont constaté que les personnes considérées comme belles avaient un avantage de poids sur les salariés plus anodins : ils gagneraient en moyenne 20% de plus qu'eux. Mais là n'est pas la nouveauté : ce qui est perturbant dans cette étude est de constater que ce fossé entre personnes attirantes et personnes quelconques diminue considérablement lorsque les chercheurs prennent en compte le soin accordé à l'apparence. "Vous pouvez accéder à un même niveau de salaire que les gens attirants si vous soignez votre apparence", confie Penner au Fortune. "Ça ne dépend pas que du physique que vous avez depuis votre naissance".
Et si le soin accordé à son apparence joue sur les revenus des hommes comme des femmes, les deux sexes ne jouent pas pour autant dans la même cour. Soigner son apparence ne boosterait que légèrement le salaire d'un homme, alors que cela aurait un impact énorme sur les revenus d'une femme. Une femme bien apprêtée aurait beaucoup plus de chances de bien gagner sa vie. Par exemple, une femme "quelconque" mais soigneusement maquillée gagneraient 6 000 dollars (environ 5359 euros) de plus qu'une femme "quelconque" qui ne porte pas de maquillage. Et elle gagnera également 4 000 dollars (3572 euros) de plus qu'une de ses collègues qui serait plus jolie mais dont l'apparence serait moins soignée. "Ce qu'il faut retenir ici, c'est que vous pouvez empocher la 'prime de beauté' en faisant des efforts sur votre apparence", explique encore Penner.
Mais ce que l'on retient surtout, c'est que ce déterminisme du maquillage et de l'apparence physique sur le salaire d'une femme est la preuve évidente d'un sexisme profondément implanté dans notre société. Certes, le soin que les hommes portent à leur apparence joue également sur les salaires ; mais de manière bien plus minime, et sans qu'ils aient à se plier à des diktats patriarchistes comme les talons hauts ou le maquillage. Comme le dénonce le site Hello Giggles, l'apparence d'une femme dans le monde du travail constitue son passeport : on continue à évaluer ses compétences et à estimer sa valeur à partir de sa plastique, sa tenue et son maquillage. Et que ça soit volontaire ou non, les femmes le savent, et y mettent le prix. Une femme américaine dépense en moyenne plus de 15 000 dollars par année dans des produits de beauté selon InStyle ; 126 000 euros au total pour les Françaises.
Lorsque les femmes mettent du maquillage, elles sont accusées de piéger les hommes ou de se cacher. Si elles n'en mettent pas, elles gagneront moins d'argent. Celles qui en mettent ne sont pas naturelles, celles qui n'en mettent pas seraient négligées. On n'en sort plus...