Il existe bien des manières de réagir face à des hommes qui nous harcèlent dans la rue : les ignorer, les insulter, se montrer directe pour les décontenancer ou encore prendre à parti des témoins pour qu'ils viennent à notre secours.
Noa Jansma, une étudiante de 20 ans résidant à Amsterdam, aux Pays-Bas, a innové : pendant un mois, elle s'est prise en photo avec les hommes qui l'accostaient dans la rue. Non pas pour leur faire plaisir mais pour afficher ceux qui se permettaient de l'interpeller, de la siffler et de l'insulter quand elle ne répondait pas à leurs avances.
Elle a ensuite créé un compte Instagram où elle a répertorié tous les selfies qu'elle a pris durant le mois de septembre avec ses harceleurs. Le résultat est édifiant car il permet de se rendre compte de l'ampleur que constitue le harcèlement de rue dans la vie d'une jeune femme. Se faire importuner dans la rue n'a rien d'un événement isolé, et le compte Instagram créé par la jeune femme le prouve : cela arrive presque chaque jour, comme le prouvent les 24 selfies pris durant le mois de septembre. "Puisque beaucoup de personnes ne savent toujours pas avec quelle fréquence et dans quel contexte le harcèlement arrive, je montrerai mes harceleurs pendant un mois entier", écrit-elle d'ailleurs dans la publication qui présente son projet.
L'autre objectif de Noa Jansma, c'est de montrer l'absence de profil type chez ses harceleurs. Ces derniers sont de tous âges, de toutes conditions sociales, de toutes origines. De quoi remettre sérieusement en question l'idée que les relous sont forcément des hommes issus de l'immigration et vivant dans les quartiers populaires.
Si le projet de Noa Jansma a eu autant d'écho (le compte Dearcatcallers compte aujourd'hui plus de 60 000 abonnés), c'est sans doute qu'il parle à toutes les femmes qui, elles aussi, ont dû faire face au harcèlement de rue. Le mode opératoire qu'elle utilise y est aussi sans doute pour beaucoup : sur chaque selfie, la jeune femme pose au premier plan, le visage fermé, pendant que ses harceleurs sourient de toutes leurs dents.
"Souvent, les femmes ne savent pas répondre à un commentaire sexiste. Poursuivre sa route semble être la seule solution, mais cela n'a aucune conséquence pour les harceleurs, explique Noa Jansma au site néerlandais Redpers. Parfois je leur faisais un doigt d'honneur, mais je me sentais bête après. Je voulais faire quelque chose qui me donne du pouvoir sur eux."
La jeune femme raconte alors que c'est quand deux jeunes la filment dans un train tout en faisant des commentaires sexuels à peine voilés que lui vient l'idée de les prendre en photo. "J'ai longtemps marché avec cette idée en tête, je n'osais pas faire le premier pas, avoue-t-elle au site Het Parool. Mais quand j'ai demandé à un homme de venir avec moi faire une photo, il a répondu avec enthousiasme."
Et c'est bien là le problème selon Noa Jansma : à l'exception d'un seul, aucun de ses harceleurs n'a voulu savoir pourquoi elle voulait poser à leurs côtés. "Ils ne sont pas du tout méfiants parce qu'ils trouvent ce qu'ils font tout à fait normal."
Elle explique aussi que la démarche même du selfie est parfois compliquée à réaliser. Parfois, l'homme qui l'accostait était si insistant ou agressif qu'elle n'a pas voulu faire de selfie avec lui. Dans d'autres cas, le temps qu'elle dégaine son smartphone, son harceleur était déjà parti.
Elle juge aussi que la frontière entre drague et harcèlement peut parfois se révéler très mince. "Il est difficile d'estimer quand est-ce que je dois faire une photo, et quand est-ce que ça n'en vaut pas la peine. Parfois, je prends la photo puis je la supprime plus tard, parce que ce n'était peut-être pas vraiment sexiste."
Aujourd'hui, Noa Jansma en a terminé avec cette expérience. Après avoir posté 24 photos prises en un mois, elle a décidé de transmettre son compte à d'autres filles venant d'autres pays afin qu'elles témoignent elles aussi de leur expérience du harcèlement de rue.