"Il y a 4 ans, à un arrêt de bus, un vieux a insisté pour que je vienne chez lui, m'a touché les cheveux, la joue. Puis le sein."
"Main au cul et au commissariat l'agression est classée dans 'malade mental' et on m'interroge sur ma tenue."
"Ce jour où un homme m'a proposé de monté dans sa voiture pour boire un verre, m'a suivis après mon refus, j'avais 13 ans."
Ces témoignages, glaçants, ne sont qu'un infime échantillon des milliers de témoignages recueillis depuis le début de la semaine sur les réseaux sociaux. À l'occasion de la semaine internationale de lutte contre le harcèlement de rue, l'association Stop Harcèlement de Rue et Paye Ta Shnek, le projet féministe d'Anaïs Bourdet, ont demandé aux femmes de témoigner de cette violence verbale et parfois physique qui caractérise leurs déplacements dans l'espace public.
Regards insistants, mains baladeuses, agression verbale en cas de refus ou de non-réponse : autant de situations qu'ont connues la plupart des filles et femmes qui ont "osé" se promener dans la rue ou prendre les transports en commun. Et ce, alors même qu'elles encore parfois des enfants ou des adolescentes.
"Dans mes discussions privées avec mes amies, je me rends parfois compte qu'elles pensent ne jamais avoir subi ça. Et puis en cherchant bien, en listant les attaques potentielles, elles réalisent qu'en fait si, elles n'avaient juste pas conscience que c'était grave. Se rendre compte que ce n'est pas normal, de notre légitimité à dire non, c'est la première marche à gravir", explique Anaïs Bourdet à MadmoiZelle.
C'est en partie parce que les femmes qui en sont victimes ne parlent pas que les chiffres concernant le harcèlement de rue sont si difficiles à établir. En 2015, l'association américaine Hollaback ! et l'Université de Cornell avaient mené une vaste enquête internationale sur le harcèlement de rue auprès de plus de 16 000 femmes issues de 22 pays différents. Parmi eux, la France, dont les résultats sont édifiants : 82% des femmes interrogées lors de l'enquête ont ainsi dit avoir été victimes de harcèlement de rue avant l'âge de 17 ans. 65% d'entre elles affirment encore avoir été harcelées alors qu'elles n'avaient pas encore 15 ans.
En d'autres termes, 65% des femmes en France ont déjà été regardées avec insistance, insultées, voire touchées par des hommes dans la rue ou dans les transports en commun alors qu'elles étaient encore au collège.
Les transports en commun, justement, constituent l'un des lieux où les femmes sont les plus susceptibles d'être victimes de harcèlement sexiste. Selon un rapport remis au gouvernement il y a deux ans par le Haut Conseil à l'Égalité femmes/hommes (HCE f/h), 100% des usagères des transports ont été victimes au moins une fois dans leur vie de harcèlement sexiste ou d'agressions sexuelles, qu'elles en soient conscientes ou non. Dans 50% des cas, les victimes sont mineures.
Ces chiffres et ces témoignages, accablants, mettent en lumière le sentiment d'insécurité que partagent l'ensemble des femmes dans l'espace public. Cette semaine internationale de lutte contre le harcèlement de rue est aussi l'occasion de sensibiliser la société à ce phénomène qui est loin d'être isolé et participe activement aux violences faites aux femmes qui, bien souvent, n'osent pas intervenir face à l'agresseur.
Si vous êtes témoin d'une situation de harcèlement, le plus important est d'agir. Trop souvent, les médias ont relaté l'histoire de femmes agressées devant témoins et qui n'ont reçu aucune aide. "Plus il y a de témoins et moins il y a de chance que quelqu'un intervienne pensant que, de toutes façons, il ne va pas intervenir puisqu'il y a plein d'autres gens qui pourraient le faire autour de lui", explique sur Le Plus la psychiatre Muriel Salmona.
Cette "dilution de la responsabilité" profite évidemment à l'agresseur, qui peut harceler et agresser les femmes en toute impunité. Il est tant que cela cesse. C'est pourquoi il est important d'agir, que l'on soit le témoin, ou non.