L'association Hollaback! et l'université de Cornell viennent de révéler les résultats de l'une des plus grandes enquêtes sur le harcèlement de rue jamais menée. Etats-Unis, France, Corée du Sud, Grande-Bretagne, Inde, Pologne, ou encore Afrique du Sud... 22 pays, 42 villes et un total de 16,607 femmes ont été passés au crible pour avoir enfin une vision globale du fléau qu'est le harcèlement de rue. Et autant le dire tout de suite, les chiffres sont à la fois glaçants et énervants. Ainsi, l'enquête nous apprend que la majorité des femmes ont connu leur première expérience désobligeante avec un harceleur alors entre 11 et 17 ans, soit à la puberté. 50% d'entre elles ont également signalé avoir déjà subi des caresses ou des attouchements de la part d'un inconnu, tandis qu'elles sont 71% à avoir déjà été suivies dans la rue.
En avril dernier, à l'occasion de la semaine internationale contre le harcèlement de rue, le Conseil à l'Égalité femmes-hommes dévoilait un rapport alarmant. 100% des utilisatrices des transports en commun en France ont été victimes au moins une fois dans leur vie de harcèlement sexiste ou d'agressions sexuelles. Dans la moitié des cas, les victimes sont même mineures. L'enquête menée par Hollaback! et l'université de Cornell permet de mesurer un peu plus l'étendue des dégâts. En France, 82% des femmes ont ainsi commencé à être victimes de harcèlement de rue avant 17 ans. Parmi elles, 65% affirment avoir été harcelées alors qu'elles n'avaient pas encore 15 ans. En d'autres termes, 65% des femmes en France ont déjà été regardées avec insistance, insultées, voire touchées par des hommes dans la rue ou dans les transports en commun alors qu'elles étaient encore au collège.
L'enquête va un peu plus loin puisqu'on apprend que 76% des Françaises ont déjà été suivies par un ou plusieurs homme(s) de telle façon qu'elles ne se sentaient pas en sécurité. Elles sont même 23% à avoir subi ce comportement menaçant au moins 5 fois dans leur vie. Preuve que les femmes ont autant peur du harcèlement de rue que du slut shaming, Hollaback! nous apprend que plus de la moitié des Françaises ont déjà changé leur façon de s'habiller par peur d'être interpellées ou insultées. Enfin, dans la majorité des cas, les témoins de harcèlement de rue ne sont pas venus en aide aux victimes.
En France, le harcèlement de rue est une notion floue. Si certains faits, comme les injures, l'exhibitionnisme, et les frottements, relèvent de l'agression sexuelle, d'autres comme les sifflements et les commentaires nauséabonds ne sont pas punis par la loi. Mais depuis que le Conseil à l'Égalité femmes-hommes a remis son rapport à Marisol Touraine, la ministre des Droits des femmes semble décidée à combattre ce problème bien trop banalisé. En avril dernier, elle avait ainsi assuré sur le plateau d'iTélé que le gouvernement prendrait bientôt "des mesures fortes parce qu'il n'est pas tolérable de ne pas pouvoir prendre un transport en commun sans être importunée".
Mais alors, quelles mesures fortes ? Tout d'abord, le Haut conseil préconise de s'inspirer de campagnes de préventions choc comme aux Etats-Unis. Mais pour changer vraiment la vie des femmes, c'est une initiative canadienne qui pourrait être copiée. En effet, dans certaines villes, les femmes peuvent demander aux chauffeurs de bus de marquer un arrêt supplémentaire entre deux stations pour les rapprocher de chez elle dès qu'il fait nuit. On pourrait également rajouter cette campagne de sensibilisation anglaise, qui appelle les femmes à dénoncer les harceleurs dans les transports en commun en envoyant un SMS à un numéro spécial. A noter que chez nous, les faits relevant d'agressions sexuelles peuvent coûter au harceleur jusqu'à 75 000 euros d'amende et cinq ans de prison. Malheureusement, beaucoup de victimes méconnaissent leurs droits et minimisent encore trop souvent les agressions verbales et physiques qu'elles subissent.