Parti travailliste et Parti conservateur britanniques partagent malgré leurs différents une même initiative : un projet de loi visant la criminalisation des hommes qui harcèlent les femmes depuis leurs voitures. Ceux qui, par exemple, freinent pour mieux insulter et siffler les passantes dans la rue. Inscrire cet outrage dans la loi pour mieux sensibiliser au harcèlement : une ambition soutenue par la progressiste Harriet Harman et la conservatrice Caroline Nokes, ainsi que par d'autres hommes et femmes politiques comme l'écologiste Caroline Lucas.
Un récent sondage révélait que 86% des jeunes femmes au Royaume-Uni ont été victimes de harcèlement sexuel dans l'espace public.
"Quand je parlais de ce sujet précis aux femmes, elles me disaient qu'elles vivaient avec cela au quotidien. Le harcèlement sexuel, les sifflements, tout cela est monnaie courante. Et dans certains cas, cela peut être carrément intimidant et effrayant", développe encore Caroline Nokes dans les pages du Guardian. La députée du Parti conservateur britannique voit là l'antithèse-même d'une "société civilisée". Et elle n'a pas tort.
Un sexisme trop banalisé et virulent que fustige également Our Streets Now, un groupe de campagne féministe incitant le gouvernement britannique à agir pour mettre en place des lois plus sévères afin de mettre fin au harcèlement sexuel public au Royaume-Uni. Un projet soutenu donc, mais également débattu.
Interdire ces expressions de harcèlement en public, c'est aussi là l'ambition de Rose Caldwell, directrice générale de l'organisation caritative Plan International UK, luttant notamment pour les droits des plus jeunes. Au Guardian, Caldwell l'affirme : "Les filles au Royaume-Uni sont quotidiennement victimes de harcèlement. Elles sont suivies, sifflées, touchées, 'tripotées', et il faut que cela cesse. Avec ce projet de loi, elles commenceraient enfin à se sentir plus en sécurité dans les espaces publics".
Une initiative qui éveille les voix militantes, mais les interroge également. Pour preuve, cette interpellation de la docteure Sarah E Seaton, chercheuse en pédiatrie, qui décoche sur Twitter : "En tant que femme qui a été harcelée par des hommes à vélo, des hommes à pied, des hommes sur le lieu de travail, des hommes dans des bars, des hommes dans des parcs... Laissez-moi corriger cela pour vous : les hommes qui harcèlent les femmes devraient être poursuivis [et non pas "les hommes qui harcèlent de leur voiture"]." A écouter la docteure féministe, le projet de loi serait donc trop réducteur.
"C'est un peu bizarre de se concentrer uniquement sur les femmes harcelées par les hommes en voiture", poursuit sur le même ton la docteure et chercheuse britannique Chantal Bielmann. Des opinions critiques qui côtoient cependant des points de vue plus positifs. Ainsi la thérapeute Delphi Ellis, spécialisée en santé mentale et violences conjugales, voit là les prémices d'un changement : "Nous avons des lois contre les déchets dans ce pays, mais pas contre le harcèlement de rue. Commençons par entretenir des conversations plus significatives sur ce qui peut être fait aujourd'hui... sans inclure plus de lampadaires et de vidéosurveillance", écrit-elle.
Des discussions de plus en plus vives au Royaume-Uni.