"Nous ne servons pas ces clients". C'est ce titre accrocheur que l'on peut lire en Une du dernier numéro de Polityka. L'hebdomadaire polonais consacre un très instructif focus à l'édifiante décision qu'a prise la Cour constitutionnelle de Pologne le 26 juin dernier. Ce "nous" autoritaire, ce sont les commerçants, et les "clients" en question, les personnes LGBTQ. Or, si l'on en croit la Cour, les premiers pourront désormais refuser de servir les seconds. Au nom de quoi ? De la "liberté de conscience". Et dans ce cadre, la sanction du refus de vente serait tout à fait "contraire à la Constitution".
Comme le détaille Courrier International, cette clause de conscience démontre l'influence du parti ultraconservateur Droit et justice dans le secteur des services publics. Cette mainmise de la droite catholique au nom de la "liberté de conscience" est une menace pour les client·e·s. Elle "laisse pratiquement sans protection les personnes handicapées interdites d'entrée aux restaurants, ou bien les mamans refoulées des magasins lorsqu'elles donnent le sein", déplore-t-on dans les pages de Polityka.
"C'est une décision dangereuse de la Cour constitutionnelle polonaise, qui fait primer la liberté religieuse sur le principe d'égalité et autorise la discrimination des #LGBT. Totalement contraire aux principes qui fondent l'Union Européenne", s'est indigné l'ancien président de SOS Homophobie, Joël Deumier.
Dangereuse, mais pas si étonnante. On ne ne compte plus le nombre de facepalms que l'on s'assène en suivant l'actualité polonaise. La dernière en date ? Suite au licenciement fin juin d'un salarié d'Ikea accusé d'avoir mis en ligne un message ouvertement homophobe, les évêques catholiques de Pologne se sont permis de fustiger "l'endoctrinement LGBT" en appelant au "bon sens" et à la "bienséance". Et d'ajouter : "Nous prions Dieu pour qu'il nous protège de l'abjection". Cela fait rêver.
Alors que l'association SOS Homophobie apporte "tout son soutien à la communauté LGBT polonaise" suite à la décision de la Cour Constitutionnel, les discriminations perdurent en Pologne. En mai dernier, des militants de la droite catholique accusaient encore le "lobby LBGT" de pervertir leurs enfants en leur enseignant "à 4 ans la masturbation, à 6 ans d'accepter des relations sexuelles, à 9 ans les premiers orgasmes". Et ce en plein coeur de la Varsovie, là-même où a été pourtant signée il y a quelques mois de cela la "Charte LGBT", un texte invitant à la tolérance et à l'aide des personnes rejetées par leur famille. Le changement, c'est pour quand ?