La nouvelle année s'ouvre sur une vérité accablante : la situation des personnes transgenres est alarmante en Inde. Une enquête de l'OMS menée en 2014 et 2015 le suggérait déjà - sur 5000 personnes transgenres sondées, un cinquième déclaraient avoir subi des violences sexuelles au cours des 12 derniers mois. Et aujourd'hui, c'est une investigation de CNN qui nous le rappelle. La chaîne américaine affirme notamment que les lois indiennes sur le viol ne protègent pas suffisamment les personnes trans.
Au contraire même, elles témoignent d'un fort contraste. Si une loi - apparue il y a deux ans à peine - punit les agressions physiques et sexuelles faites contre les personnes transgenres, d'une peine allant de six mois à deux ans (c'est peu, oui), un homme reconnu coupable d'avoir violé une femme (cisgenre) sera quant à lui condamné à un minimum de dix ans d'emprisonnement, et peut encourir à la perpétuité. Or, ces lois ne prennent pas en compte le fait qu'une femme transgenre... est aussi une femme.
Peines insuffisamment sévères donc, mais AUSSI manque de protection de la part de l'Etat, ou encore manque de prise en considération flagrante de la part des autorités quand les victimes se rendent au commissariat... Elles abondent, les observations énoncées par les voix interrogées chez CNN. Victime d'un viol, Daina Dias, femme transgenre et activiste, est ainsi convaincue que "les lois indiennes sur le viol rendent presque impossible pour les personnes transgenres d'obtenir justice".
Un constat qui fait mal.
"Le viol est un viol, quelle que soit la victime ... si le crime est le même, la loi qui les punit doit être la même", abonde aujourd'hui Swati Bidhan Baruah, l'un des premiers juges transgenres de l'histoire du pays. D'où la lutte que mènent désormais les militants et militantes trans, depuis plusieurs mois déjà : faire porter à la Cour Suprême, puis au gouvernement, une pétition intégrant dans la loi la "neutralité de genre" - ou "gender neutrality" dans la langue de Shakespeare. En clair ? Assurer un traitement égal de la victime, et de l'agresseur, que l'affaire prise en compte concerne une victime cisgenre ou une victime transgenre.
"En cette époque où nous parlons de plus en plus d'égalité et du besoin de sortir des normes binaires de genre, notre position ne peut pas être patriarcale, elle ne peut donc pas se limiter uniquement aux hommes et aux femmes cisgenres", poursuit à ce titre Swati Bidhan Baruah. Pour bien des voix citoyennes et politiques, cette actualisation de la loi serait aussi signifiante que le fait de prendre en considération la notion de consentement, ou les diverses formes d'agressions sexuelles, quand il s'agit de traiter les violences sexistes et sexuelles.
Mais le chemin à entreprendre est encore long. "Lorsque je vais manifester contre les agressions sexuelles et les viols, les femmes en tête de file me disent que je n'ai pas ma place ici. Les gens ont le sentiment que nous en demandons trop, que notre mouvement pour l'égalité n'est pas important", déplore Daina Dias à CNN. En Inde, le manque d'empathie n'émane pas seulement des autorités et du gouvernement, mais aussi, parfois, des activistes féministes. C'est à une reconnaissance globale qu'en appellent désormais de nombreuses voix citoyennes.
La reconnaissance existe, mais elle peine encore à se concrétiser, comme le déplore à l'unisson l'association Human Dignity Trust, laquelle défend les droits des personnes LGBT à travers le monde. En décembre dernier par exemple, deux femmes transgenres remportaient les élections locales dans le pays, au sein de leurs villages respectifs. Des nouvelles qui témoignent d'un "progrès historique", selon le média queer Gay Times. Mais si l'on ne peut effectivement que s'en réjouir, ce sont bien des (r)évolutions qui se font encore attendre.