Au Japon, le travail occupe une place centrale. Dans ce pays d'Asie de l'Est, de nombreuses traditions régissent le monde de l'entreprise : respect absolu des règles et de la hiérarchie, heures supplémentaires, esprit d'équipe... Au Japon, l'absentéisme reste très mal perçu. À tel point que dans certaines sociétés, les salariés doivent fournir à l'avance un planning pour communiquer leur date de mariage ou de grossesse. Oui, vous avez bien lu.
Au pays du Soleil-Levant, cette forme de harcèlement n'est pas nouvelle. Elle est même tellement répandue qu'elle porte un nom : le matahara, un terme issu des contractions des mots anglophones "maternity" et "harassment" (maternité et harcèlement). Le matahara décrit le traitement injuste que les femmes qui travaillent reçoivent lorsqu'elles tombent enceintes ou qu'elles accouchent.
La récente histoire d'une employée accusée d'avoir "égoïstement violé le règlement" parce qu'elle était tombée enceinte alors que ce n''était pas "son tour" illustre bien ce triste phénomène. Employée dans une crèche privée de la préfecture d'Aichi, l'identité de la jeune femme n'a pas été dévoilée, mais son histoire a été relatée par son mari, auteur d'une lettre ouverte publiée dans le journal quotidien japonais Mainichi Shimbum.
"Le directeur de la crèche où elle travaille avait déterminé un ordre dans lequel les travailleuses pouvaient se marier ou tomber enceinte, et selon une règle tacite, chacune devait attendre et ne pas prendre la place d'une employée plus haut placée," explique-t-il.
Convoqué dans le bureau du directeur de l'établissement, le couple a dû s'excuser pour cette grossesse "inopinée". Dans sa missive, l'époux dénonce une société "arriérée". Et il n'est pas le seul. Suite à la publication de l'article, le couple a reçu de nombreux messages de soutien, notamment de femmes ayant vécu des situations similaires, elles aussi victimes de matahara.
Interruption brutale du contrat de travail, incitation à l'abandon de poste.... Avec l'abus de pouvoir hiérarchique et le harcèlement sexuel, le matahara représente l'une des trois principales formes de harcèlement qui pèsent sur les femmes japonaises sur le marché du travail. Près de 20% des Japonaises en activité professionnelle ont été licenciées après être tombées enceintes, révélait un sondage réalisé en 2015 par The Japanese Trade Union Confederation et relayé par The Guardian.
Au pays du Soleil-Levant, 60% des femmes quittent leur emploi lorsqu'elles tombent enceinte de leur premier enfant. Pendant longtemps, de nombreuses femmes considéraient qu'agir ainsi représentait un gage de vertu. Comme le rappelle Slate, seul un tiers des mères d'un enfant en bas âge travaillent, contre plus de 80% des femmes célibataires sans enfant.