Harcèlement sexuel
Harcèlement sexuel au travail : quelles preuves faut-il apporter ?
Publié le 14 mars 2018 à 16:47
Par Charlotte Arce | Journaliste
Selon les statistiques, une femme sur cinq est ou a déjà été victime de harcèlement sexuel sur son lieu de travail. Mais seules 5% des cas sont portés devant la justice, de nombreuses victimes renonçant à porter plainte par crainte que la procédure n'aboutisse pas ou que leur carrière en pâtisse.
Harcèlement sexuel au travail Harcèlement sexuel au travail© Getty Images
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Qu'est-ce que le harcèlement sexuel au travail ?

Selon la loi française, le harcèlement sexuel "se caractérise par le fait d'imposer à une personne, de façon répétée, des propos ou comportements à connotation sexuelle qui portent atteinte à sa dignité" ou "créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante". "Toute forme de pression grave (même non répétée) dans le but réel ou apparent d'obtenir un acte sexuel, au profit de l'auteur des faits ou d'un tiers" est assimilée au harcèlement sexuel.


Considéré comme un délit, le harcèlement sexuel est passible de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende, ce qui devrait, théoriquement, être dissuasif, notamment dans un environnement professionnel.

Dans les faits malheureusement, ce n'est pas le cas. Selon une étude IFOP menée pour le Défenseur des droits en 2014, une femme sur cinq est confrontée à une situation de harcèlement sexuel au cours de sa vie professionnelle. Craignant d'être placardées, stigmatisées ou de perdre leur emploi, les victimes restent bien souvent muettes sur les violences qu'elles subissent. Selon cette même étude, 30% des victimes de harcèlement ne parlent à personne de ce qu'elles subissent au travail. Moins d'un quart en font part à leur direction ou à leur employeur. Seulement 5% des cas sont portés devant la justice.

Briser la loi du silence

Briser la loi du silence, c'est mettre un terme à l'impunité du harceleur. Même si cela est extrêmement difficile, que l'on a peur de subir des pressions ou de perdre son travail, il faut parler.


Plusieurs options s'offrent aux victimes de harcèlement sexuel au travail. D'abord, il est conseillé d'en aviser directement l'employeur (si celui-ci n'est pas l'auteur du harcèlement) ou le service des ressources humaines. Les instances représentatives du personnel (délégués du personnel, délégués syndicaux, membres du CE ou du CHSCT) peuvent aussi être prévenues en cas de harcèlement sexuel, de même que le médecin du travail, l'inspecteur du travail ainsi que le Défenseur des droits, qui a justement lancé en février dernier une campagne pour lutter contre le harcèlement sexuel au travail.

Si les faits sont trop difficiles à raconter de vive voix, il est possible de détailler par écrit les faits subis à l'un de ces interlocuteurs. Il est aussi fortement conseillé de retranscrire par écrit ce qui a été raconté à l'oral afin de conserver une preuve de votre témoignage.

Quelles preuves faut-il apporter ?

En cas de harcèlement sexuel sur son lieu de travail, il est nécessaire d'établir les éléments qui laissent supposer l'existence d'un harcèlement (Code du travail, art. L. 1154-1). Pour cela, il faut absolument conserver toutes les preuves matérielles (arrêts maladie, SMS, e-mails, messages sur les réseaux sociaux...). Il est aussi conseillé "de répondre à son harceleur en lui demandant d'arrêter de se comporter comme il le fait. Cela pourra être utile pour la suite", explique à L'Express Me Christophe Noël, avocat spécialisé dans le harcèlement sexuel au travail.

Il est aussi possible de recueillir par écrit le témoignage de collègues ou collaboratrices ayant été eux-même victimes du même harceleur ou ayant été témoins de ses agissements. Pour les encourager à parler en votre faveur, le juge peut leur assurer une protection contre le licenciement (Code du travail, art. L. 1153-3).

Ce sera ensuite au défendeur de prouver que les agissements dénoncés ne relèvent pas du harcèlement sexuel.

Un enregistrement fait à l'insu du harceleur peut-il faire office de preuve ?

En cas de procédure pénale, ce type d'enregistrement est considéré comme une preuve. Ce n'est cependant pas le cas en cas de procédure entreprise au civil, explique Me Noël.

Comment attaquer le harceleur sexuel en justice ?

La victime de harcèlement sexuel a généralement le choix d'entreprendre une action en justice au pénal, bien que cela s'avère généralement très compliqué. "Au pénal, le parcours du combattant commence dès le moment de la plainte. La victime dispose d'un délai de six ans après le dernier fait de harcèlement pour le faire. Le problème est que les victimes sont souvent confrontées à des policiers, des gendarmes, et même des juges, qui ne sont pas bien formés à recevoir leur parole. Elles trouvent donc souvent porte close. Autre difficulté, apporter des preuves de la culpabilité du harceleur", regrette Christophe Noël.


L'autre option, c'est de porter l'affaire au civil devant le tribunal des Prud'hommes. Mais là encore, prévient l'avocat, "le harcèlement sexuel débouche presque toujours par un licenciement ou le départ de l'entreprise de la victime, qu'elle soit placardisée n'acceptant pas les avances ou qu'elle se mette en arrêt maladie ne supportant plus la situation". Il leur est par la suite possible de contester ce licenciement car prononcé dans un contexte de harcèlement sexuel.

Une victime de harcèlement sexuel est-elle protégée par la loi ?

Oui. L'employeur est tenu d'assurer la sécurité physique et morale de ses employés. Un.e salarié.e qui dénonce des faits de harcèlement à son encontre est automatiquement protégé.e contre le licenciement.

De son côté, l'employeur est tenu de procéder sans délai à une enquête et de prendre les mesures nécessaires pour mettre un terme à la situation de harcèlement (Code du travail, art. L. 2313-2) : protéger la victime avant même de savoir si les faits sont vrais ou faux. Il doit cependant agir sans précipitation car tant que le jugement n'est pas rendu, le harceleur est présumé innocent. Si le rapport d'enquête démontre des faits de harcèlement, le supérieur doit alors licencier le harceleur pour faute grave.

L'employeur se doit de prendre toutes les mesures nécessaires pour prévenir les actes de harcèlement sexuel dans les relations du travail (Code du travail, art. L. 1153-5). Une victime de harcèlement sexuel peut, en parallèle de son harceleur, attaquer son employeur aux Prud'hommes ou au tribunal des affaires de sécurité si elle considère que sa santé et sa sécurité n'ont pas été assurées.

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