Mi-février, une grande campagne chargée de sensibiliser au harcèlement sexuel au travail sera déployée sur tout le territoire et sur les réseaux sociaux. Celle-ci n'est pas le fait du secrétariat d'État chargé de l'égalité entre les femmes et les hommes, mais du Défenseur des droits, une autorité constitutionnelle indépendante présidée par Jacques Toubon.
Mardi 6 février, ce dernier présentait donc sa nouvelle campagne de communication pour lutter contre le harcèlement sexuel. Car celui-ci est loin d'être un phénomène isolé. Selon une étude IFOP menée pour le Défenseur des droits en 2014, une femme sur cinq est confrontée à une situation de harcèlement sexuel au cours de sa vie professionnelle.
Craignant d'être placardées, stigmatisées ou de perdre leur emploi, les victimes restent bien souvent muettes sur les violences qu'elles subissent. Selon cette même étude, 30% des victimes de harcèlement ne parlent à personne de ce qu'elles subissent au travail. Moins d'un quart en font par à leur direction ou à leur employeur. Seulement 5% des cas sont portés devant la justice.
C'est pour faire changer la honte de camp, mais aussi pour mieux informer les victimes de harcèlement sexuel de leurs droits que cette nouvelle campagne sera prochainement déployée. Une affiche et un dépliant seront notamment mis à disposition de "de tous les acteurs susceptibles d'accueillir des personnes victimes de harcèlement sexuel et de les accompagner dans leurs démarches" : associations, syndicats, instances représentatives du personnel, médecins, inspection du travail et avocats.
Un court-métrage intitulé "Je tu il nous vous elles", gagnant d'un concours organisé par le Défenseur des droits, sera quant à lui diffusé d'ici une dizaine de jours sur les réseaux sociaux.
"C'est un moment historique que nous vivons depuis l'affaire Weinstein", a expliqué Jacques Toubon, cité par LCI. "Nous sommes tous choqués par #balancetonporc et #metoo, mais il faut que ce mouvement de la libération de la parole soit suivi d'actions, et que la seule responsabilité d'agir ne repose pas uniquement sur les femmes", a poursuivi le Défenseur des droits, qui estime que "le mouvement de révolte actuel peut constituer la base d'une explosion juridique et judiciaire de la prise en compte du harcèlement sexuel au travail".
Reste désormais à savoir s'il mènera seul ce combat ou sera épaulé par l'État grâce à des moyens financiers concrets. Absente de la matinée autour du harcèlement sexuel au travail, Marlène Schiappa a jugé la campagne "concrète, efficace, pour que chacun et chacune ait connaissance de ses droits". Insuffisant, a fait savoir à demi-mots Jacques Toubon, qui espérait un engagement plus important de l'État pour lutter efficacement contre le harcèlement sexuel au travail.
"Que ce soit clair, ce n'est pas l'État qui lance une campagne. Je voudrais que ce soit le cas. C'est ça que j'appelle les politiques publiques mais l'État, ce n'est pas moi. Le Défenseur des droits est indépendant", a-t-il rappelé, avant de demander que "des politiques publiques soient menées pour lutter contre les harcèlements sexuels au travail". C'est d'ailleurs dans ce sens qu'il a formulé quinze recommandations auprès des sénateurs. Parmi les pistes envisagées : l'harmonisation des définitions du harcèlement sexuel dans le Code du travail, le Code pénal et la loi de 1983 ; une meilleure formation des professionnels et notamment des policiers et des gendarmes chargés de recueillir la parole des victimes ou encore l'amélioration de la prévention et de la sanction dans les entreprises et la fonction publique.