"Je suis une femme forte !"
Ces mots n'ont l'air de rien de la part d'une championne olympique, et pourtant ils font tout. Dans le cadre de ces Jeux Olympiques 2024, la boxeuse algérienne Imane Khelif a remporté son duel face à son adversaire Yang Liu lors de la finale des moins de 66 kilos.
Ce n'est pas seulement une victoire pour l'actuelle Médaillée d'or et pour l'Algérie, mais aussi un triomphe face à un phénomène qu'elle subit de plein fouet depuis plusieurs jours... A savoir, un odieux cyber harcèlement alimenté par les "fake news", fausses informations ayant pour idée principale celle-ci : la sportive serait en fait un homme.
D'abord visée par l'ancien Ministre de l'intérieur italien Matteo Salvini, puis par des milliers d'internautes organisant en raid une vague d'attaques en lignes estimées à plus d'un million et demi de tweets allant de l'insulte à la menace physique, la championne s'est également retrouvée au coeur d'une vidéo TikTok de son ex rivale Luca Anna Hamori (depuis battue sur le ring), déplorant : "Cela m'a pris toute une vie pour être aux Jeux olympiques et c'est peut-être un homme qui brisera mon rêve. Je dois boxer contre un garçon. Peut-être qu’il m’empêchera de gagner une médaille olympique''.
La championne Hongroise s'est exprimée à l'unisson de l'extrême-droite, aussi bien italienne - la Première ministre Giorgia Meloni jugeant ouvertement que combattre contre Imane Khelif "n'était pas une compétition équitable" - qu'hexagonale, déployant des campagnes de diffamation pure et dure.
Même J.K Rowling, l'autrice britannique de la saga Harry Potter maintes fois épinglée pour transphobie, y est allée de son tweet viral en commentant son combat face à la boxeuse italienne Angela Carini :"Une image pourrait-elle mieux résumer le 'nouveau mouvement pour les droits des hommes' ?"
"Voilà le sourire narquois d'un homme qui se sait protégé par un comité sportif misogyne. Une jeune boxeuse vient de se voir voler tout ce pour quoi elle s'est entraînée parce que vous avez permis à un homme de monter sur le ring avec elle"
Mais Imane Khelif a répondu à tout cela. Et avec puissance.
Auréolée de sa médaille d'or, Imane Khelif, 25 ans, s'est vue volée dans ce tourbillon de fake news sa condition de femme car elle bénéficie simplement d'un taux élevé de testostérone et ne correspond pas aux yeux de certains aux critères physiques dits de "féminité" traditionnels.
Un rapport conventionnel au genre dont souffrent bien des sportives en vérité, notamment du côté de l'athlétisme et du culturisme. On ne compte plus le nombre de remarques sexistes censés insulter et humilier les championnes en les comparant... A des mecs. De la part d'hommes qui détestent les femmes, l'ironie prête à sourire, pas vrai ?
Lasse, Khelif a tenu un discours fédérateur face à une foule l'acclamant à l'unisson : "Je ne peux décrire toute la joie et la fierté que j’ai dans mon cœur. Le monde entier était contre moi, mais malgré cela, j’ai décroché l’or, je lui ai répondu sur le ring, je suis une femme forte. Les Algériens ont chanté avec moi et c’était mon rêve…"
"J'ai fait l'objet d'attaques et d'une campagne féroce et c'est la plus belle réponse que je puisse donner. Je suis pleinement éligible pour participer, je suis une femme comme les autres. Je suis née femme, j'ai vécu en tant que femme et j'ai concouru en tant que femme"
"One, two, three, viva l’Algérie !", en fond sonore. Rappelons au passage que le Comité olympique, le CIO, soumet ses championnes à des "tests de féminité" et exclue des compétitions féminines les femmes transgenres...
Mais la championne ne va pas s'arrêter là. Elle n'oublie pas à juste titre la haine à la fois misogyne et transphobe (sans oublier l'intensité raciste de certains discours) dont elle est la cible. Elle a donc décidé de porter plainte pour des faits de cyberharcèlement aggravé. Plainte enregistrée auprès du Pôle de lutte contre la haine en ligne du parquet de Paris.
Une initiative d'autant plus nécessaire quand on constate le profil de certains de ses harceleurs, et harceleuses : personnalités publiques, artistes, influenceurs, personnalités politiques... Susceptibles d'inciter leurs larges communautés à inonder la boxeuse de commentaires indignes. "Tout juste médaillée d'or aux JO de Paris 2024, la boxeuse Imane Khelif a décidé de mener un nouveau combat: celui de la justice, de la dignité et de l'honneur", a affirmé son avocat.
"L'enquête pénale déterminera qui a été à l'initiative de cette campagne misogyne, raciste et sexiste mais devra aussi s'intéresser à celles et ceux qui ont alimenté ce lynchage numérique. Le harcèlement inique subi par la championne de boxe restera la plus grosse tâche de ces Jeux olympiques".