Devenir la première Présidente de l'histoire des Etats-Unis : on a déjà connu défi moins audacieux. C'est pourtant celui que porte entièrement sur elle la vice présidente actuelle de la nation, Kamala Harris, grande actrice de la course à la présidentielle face au Républicain Donald Trump. Sprint dont la finalité éclora en novembre prochain.
Et alors que pronostics et sondages ménagent la chèvre et le chou, non sans contradictions - l'énorme avance envisagée pour Trump avant l'exclusion de Joe Biden tend à s'amincir au profit de l'ancienne procureure - Kamala Harris s'exerce à l'unisson à exacerber les différences qui l'opposent à son concurrent.
Politiques, intimes, et idéologiques...
Harris a insisté sur ce point le 23 août dernier en se clamant "Présidente de tous les Américains". Une phrase forte qu'elle est venue émailler de déclarations féministes. Un mot qui n'est pas forcément sur le podium du lexique favori du milliardaire et ancien Président des Etats Unis... Décryptage d'un discours qui se veut plus fédérateur que jamais.
Ce 23 août , Kamala Harris s'est notamment démarquée en déclarant : "Dans le combat de toujours entre la démocratie et la tyrannie, je sais où je suis. Et je sais où doivent se tenir les États-Unis. Au nom de tous les Américains, peu importe leur parti, leur race, leur genre".
Derrière l'appel à l'unité par delà les provocations ou les punchlines du camp adverse, la femme politique a désigné une grande influence : celle de sa mère.
Femme noire, née d'un père jamaïcain professeur d'économie et d'une mère indienne, la vice présidente - et première femme noire élue au poste de procureure générale à San Francisco, où elle cumulât deux mandats - ne se lasse pas d'aborder cette figure maternelle : brillante intellectuelle, femme de convictions, chercheuse en cancérologie...
Une source d'inspiration folle pour l'ancienne étudiante en sciences politiques et en droit qui considère la lutte contre les discriminations comme son principal héritage.
"J'ai vu comme le monde traitait ma mère parfois. Mais ma mère n'a jamais perdu son calme. Elle était forte, courageuse. Elle démontre qu'il ne faut jamais se plaindre de l'injustice, mais agir contre"
La mère de Kamala Harris, comme ses origines mixtes, sa couleur de peau, ou son âge (59 ans seulement) font partie des éléments rhétoriques de Harris, qui joue le tout pour le tout : elle emploie ces éléments de distinction comme une force, quand bien même ils peuvent cliver dans une nation largement divisée. Son discours tend aussi à convaincre au sein de son propre parti, dont bien des voix partisanes se sont avérées très réticentes à l'idée de voir Joe Biden poursuivre sa course électorale.
C'est une prise de parole fondamentale pour le magazine ELLE, qui l'analyse ainsi : "C'est un appel fort à l’unité, un discours qui marque un tournant dans une convention démocrate. Avec l’investiture de Kamala Harris, l’espoir de voir un jour une femme élue à la Maison Blanche pourrait devenir réalité. Devant elle, une grande majorité des représentants et représentantes portaient du blanc, une couleur symbolique associée aux luttes politiques des femmes. Leur soutien témoignait de leur espoir de voir Kamala Harris remporter cette bataille électorale en devenant un symbole historique pour toutes les femmes !"
Féministe, Kamala Harris ?
Oui ! si l'on en croit son biographe Alexis Buisson.
Correspondant du journal La Croix à New York, l'auteur et expert de la candidate du camp démocrate à la présidentielle américaine le détaille à Emile Magazine : "Le combat féministe a façonné Kamala Harris. Sa grand-mère maternelle, en Inde, était très active dans le domaine de la défense des droits des femmes, au grand dam du grand-père, qui avait peur que son militantisme n'éclabousse sa carrière de fonctionnaire"
"La mère de Kamala Harris, Shyamala, était elle-même imprégnée de ce combat. Arrivée aux États-Unis sans parler l'anglais correctement, elle n'avait pas le choix. À plusieurs reprises dans sa carrière, elle a fait l'objet de discrimination. Elle a donc élevé ses filles, Kamala et Maya, pour être des femmes « fortes » et indépendantes"
"D'autres femmes ont joué un rôle important dans sa vie, comme Regina Shelton, une Afro-Américaine entreprenante qui s'occupait de la garderie sous leur appartement. À l'université, Kamala Harris faisait partie d'une sororité noire importante, Alpha Kappa Alpha, tournée vers l'amélioration de la condition des femmes noires"
"Par la suite, sa carrière dans le système judiciaire et en politique, des milieux essentiellement masculins, ont renforcé cet engagement. En ce sens, une présidente Kamala Harris utiliserait certainement son influence pour promouvoir l’égalité entre les genres..."
De quoi convaincre un pan de l'électorat américain, celui des "Femmes pour Trump", bien réel ? Une facette de votant(e)s qui a du évoluer depuis 2016 mais pourrait encore s'avérer déterminante dans quelques mois. Pour fédérer comme elle le souhaite, il faudra certainement à Harris une force de conviction qui dépasse le cercle des défenseurs des droits fondamentaux des femmes, si malmenés ces dernières années...