Kim Kardashian est née en 1980 dans une famille riche habitant dans une grosse villa de Beverly Hills. Certes, à l'époque, l'argent ne coulait pas à flot comme aujourd'hui, mais le luxe était déjà bien réel. Difficile, donc, d'en vouloir à la horde d'internautes qui l'a épinglée pour sa sortie insupportable dans une vidéo signée Variety, où elle dispense ses conseils business à qui veut les entendre (pas grand monde, apparemment).
"J'ai le meilleur conseil à donner aux femmes d'affaires. Levez votre putain de cul et travaillez. On dirait que personne ne veut travailler de nos jours. Vous devez le faire. Vous devez vous entourer de personnes qui veulent travailler". Elle ajoute, convaincue : "Avoir un bon environnement de travail où tout le monde aime ce qu'il fait, parce que vous n'avez qu'une vie. Pas d'environnement de travail toxique. Pointez-vous et bossez".
Alors. Par où commencer ?
Déjà, le culot. Ultra-privilégiée, "Kim K" adhère sans ciller au concept puant de méritocratie qui part du principe que nous possédons tou·te·s les mêmes 24 heures dans la vie, et que le succès professionnel et financier émane uniquement des heures de dur labeur passées à trimer. Une façon de balayer d'un revers de main l'impact du contexte familial et socio-culturel sur ledit succès, et de s'en foutre par la même occasion.
Ensuite, la condescendance et l'ignorance. "On dirait que personne ne veut travailler de nos jours". Celle qui s'étonnait pendant le confinement que la vie d'une mère lambda n'est pas de tout repos parce qu'elle "galérait" elle-même à gérer ses enfants sans ses nounous (on comprenait la fatigue, mais on avait du mal à la plaindre de ne découvrir la réalité de la parentalité qu'à cause d'une crise sanitaire mondiale), semble avoir bien vite oublié que le boulot n'est pas le seul ingrédient du quotidien.
Eh oui, Kim. Peut-être que si "personne ne veut travailler de nos jours", c'est parce que les gens commencent à dire non à l'exploitation salariale ? Dressent davantage de limites essentielles entre leur vie pro et leur vie privée ? N'ont pas la chance de pouvoir payer un mode de garde pour lancer leur énième ligne de skincare surestimée ? Ou encore, et tout simplement, avec le nombre d'établissements qui ont dû fermer avec le Covid, ne trouvent de job non-précaire nulle part ?
Aux Etats-Unis, si le chômage a baissé fin 2021 par rapport à décembre 2020 (3,9 % contre 6,7 %), le pays compte toutefois 3,6 millions d'emplois en moins si on compare à l'avant pandémie. Le taux de personnes sans emploi monte d'ailleurs à 7,1 % chez les Noir·es américain·es et à 4,9 % pour la communauté hispanique. Mais d'accord, d'après la queen des slips sans couture, il suffirait simplement de "lever notre putain de cul" pour réussir. Et pourquoi pas de traverser la route, pendant qu'on y est ?
Sur Twitter, ça se lâche. Aux recommandations lunaires, la journaliste Soledad O'Brien ajoute : "Et aussi : soyez riches, ça aide beaucoup". "Sans vouloir la vexer, cette façon de penser est tellement irritante et ne reflète pas l'expérience de la personne moyenne, nous sommes tous sur des terrains de jeu socio-économiques différents et le fait de 'travailler dur' n'égalise pas automatiquement les choses", rappelle à juste titre une jeune femme.
Parmi les indignations justifiées, un témoignage interpelle particulièrement. Celui de Jessica DeFino, aujourd'hui chroniqueuse beauté pour divers médias prestigieux. "J'étais rédactrice sur les applications Kardashian en 2015 à LA, je travaillais les jours, les nuits et les week-ends, je pouvais uniquement faire mes courses chez 99 Cents Only (le Tout à 1 euro local, ndlr). Je me suis déclarée "malade" plus d'une fois parce que je ne pouvais pas mettre de l'essence dans ma voiture pour aller au bureau, et j'ai été réprimandée pour avoir pris des missions en freelance à côté".
Finalement, peut-être que c'est Kim Kardashian, qui aurait bien besoin de conseils en management.