« Je trouve votre article horriblement insultant et mal informé. Comment osez-vous suggérer que le fait que je séduise les filles au cinéma puisse encourager un fou à commettre des meurtres. » Seth Rogen s’en est pris sur Twitter à la journaliste Ann Hornaday. La cause de cette attaque ? Un article publié par la critique cinéma du Washington Post qui met en cause les comédies dans lesquelles joue l’acteur, accusées d'avoir influencé l'auteur de la tuerie de Santa Barbara. Egalement pointé du doigt, Judd Apatow, célèbre producteur et réalisateur, fer de lance de la nouvelle génération de comédies indépendantes américaines. Ce dernier a étrillé la tribune à son tour, accusant la journaliste de se mettre en avant en instrumentalisant la tragédie de Santa Barbara.
.@AnnHornaday I find your article horribly insulting and misinformed.
— Seth Rogen (@Sethrogen) 26 Mai 2014
.@AnnHornaday how dare you imply that me getting girls in movies caused a lunatic to go on a rampage.
— Seth Rogen (@Sethrogen) 26 Mai 2014
“@Sethrogen: .@AnnHornaday I find your article horribly insulting and misinformed.”She uses tragedy to promote herself with idiotic thoughts
— Judd Apatow (@JuddApatow) 27 Mai 2014
Dans son article, Ann Hornaday suggère que le cinéma a nourri le geste d’Elliott Rodger en créant chez lui des frustrations et en lui donnant l’impression d’être exclu de la société. « Combien d’étudiants regardent des fantasmes surdimensionnés comme Neighbors et se sentent, comme Rodger, injustement exclus d’une vie étudiante sensée être dominée par le sexe, l’amusement et le plaisir ? Combien d’hommes, nourris aux comédies de Judd Apatow dans lesquelles l’ado en surpoids finit par séduire la fille, constatent qu’ils n’ont pas droit à ces ”happy end” dans la vraie vie et se disent que “ce n’est pas juste” ? », écrit-elle.
Tout en reconnaissant que le jeune meurtrier souffre sans doute d’une maladie mentale, la journaliste accuse ainsi les comédies d’Hollywood d’entretenir les jeunes adolescents dans une vision du monde illusoire. Surtout, elle pointe du doigt le machisme latent des décideurs qui vendent aux jeunes gens des histoires éloignées de la réalité.
« Si notre grammaire cinématographique se fonde sur la violence, la conquête sexuelle et les fanfaronnades machos - grâce aux patrons des studios qui donnent le feu vert à des projets en satisfaisant leur propres envies pathétiques - il ne faut pas s’étonner que ces instincts finissent par se concrétiser de manière choquante dans la culture dans son ensemble », écrit encore Ann Hornaday. La journaliste renchérit en critiquant l’absence de femmes à Hollywood, qui explique selon elle la prévalence de films faits par des hommes et montrant ceux-ci à invariablement à leur avantage. « Même si 51% des films étaient réalisés par des femmes, Elliot Rodger aurait quand même été gravement malade. Mais ça vaut le coup de se poser la question de qui est représenté à l’écran et comment », poursuit Ann Hornaday, avant de citer le célèbre test de Bechdel, qui évalue la présence des femmes dans les films.
Les attaques sur Twitter de Seth Rogen et Judd Apatow à l’égard du texte d’Ann Hornaday ont suscité une vive discussion sur les réseaux sociaux. Certains, comme la blogueuse cinéma Sasha Stone, fondatrice du site Awards Daily, ont défendu la théorie de la journaliste. « Ce que Hornaday dit, au fond, c’est que les pauvres types en marge voient des films comme ceux-ci, qui montrent des hommes peu séduisants aux bras de femmes sexy, et ils se sentent par conséquent encore plus méprisés par les femmes ou par la société », écrit-elle sur son site.
Ann Hornaday a-t-elle simplement cherché à s'offrir un coup de publicité à peu de frais en accusant Hollywood de la tuerie de Santa Barbara, comme le suggère Judd Apatow ? S'il semble douteux de mettre sur le dos du cinéma l'acte désespéré d'une jeune homme malheureux, sa tribune a au moins le mérite de remettre en question la vision édulcorée et sexiste que nous vendent bien souvent les films hollywoodiens.