Six étudiants tués, treize blessés, dont sept dans un état grave. Après Columbine, Virginia Tech et l'école Sandy Hook de Newton, les États-Unis ont une fois encore été le théâtre d'une tuerie. Ce vendredi 23 mai, à Isla Vista, non loin du campus de l'Université de Californie à Santa Barbara, Elliot Rodger, 22 ans, poignarde à mort dans son appartement ses trois colocataires avant de sortir avec une arme à feu. À bord de sa voiture, ce fils d'un réalisateur hollywoodien [son père Peter Rodger a notamment collaboré sur le premier volet d'Hunger Games, ndlr] prend cette fois-ci pour cible des passants, la plupart des étudiants se rendant en cours. Parmi ses victimes, deux femmes, âgées de 19 et 22 ans et un étudiant de 20 ans, Christopher Martinez. Elliot Rodger a eu le temps de blesser treize autres personnes par balles avant d'être pris en chasse par la police et de se suicider.
Si les médias ont beaucoup insisté sur la personnalité borderline d'Elliot Rodger - il souffrait d'une forme aiguë du syndrome d'Asperger-, c'est son discours, profondément misogyne, qui a retenu l'attention d'un bon nombre d'internautes.
La veille de la tuerie, Elliot Rodger postait en effet sur YouTube une vidéo dans laquelle il exprime, en sept minutes, sa haine envers l'humanité, et surtout envers les femmes, qu'il n'a jamais intéressées.
Se filmant face caméra à bord de sa voiture, il explique : " Les filles donnent leur affection, font l'amour avec d'autres hommes, jamais avec moi. Je n'ai même jamais embrassé une fille. Je suis allé à l'université pendant deux ans et demi, même plus, et je suis toujours vierge, et ça me torture. A l'université, tout le monde fait plein d'expériences, s'amuse, couche mais moi j'ai dû tout pourrir dans la solitude. Ce n'est pas juste. Vous les filles vous n'avez jamais été attirées par moi. Je ne sais pas pourquoi. C'est une injustice, un crime. Je ne sais pas ce qui vous manque, je suis un mec parfait [...] un gentleman suprême. "
Annonçant ses plans meurtriers, il poursuit : " Le jour de châtiment, je vais m'introduire dans la sororité UCSB et massacrer toutes les salopes blondes pourries gâtées que j'y verrai. Toutes ces filles que j'ai désirées et qui m'ont toutes rejeté et regardé de haut [...] Je vais toutes vous punir pour ça. Je vais prendre beaucoup de plaisir à toutes vous massacrer. Vous allez enfin voir que je suis en vérité celui qui est supérieur, le vrai mâle alpha. "
Sitôt la macabre vidéo d'Elliot Rodger révélée par les médias, une riposte féminine – et féministe – s'est organisée sur Twitter. Rassemblées derrière le hashtag #YesAllWomen, des internautes partagent leurs expériences sexistes et misogynes.
#YesAllWomen because women have to avoid eye-contact with men in public in order not to "lead them on"
- Kaylee Anna (@_KayleeAnna_) 27 Mai 2014
#YesAllWomen Because breastfeeding in public is offensive, but scratching your balls is acceptable.
- Christina Hernandez (@XtinaHernandez) 27 Mai 2014
No but seriously, don't tell me I should smile more. #YesAllWomen
- SOPHIA AMORUSO (@Sophia_Amoruso) 27 Mai 2014
Également utilisé par des hommes qui expriment leur solidarité avec les femmes, #YesAllWomen s'est hissé ce week-end aux États-Unis parmi les trendy topics.
#YesAllWomen because, as a man, I have never been harassed on the street, but my female friends are harassed on a daily basis.
- Justin Dennis (@JustinDennis4) 26 Mai 2014
Also men: If girls' clothing makes you "uncomfortable", that's your problem. Your comfort does not come before their autonomy. #YesAllWomen
- Charles Clymer (@cmclymer) 27 Mai 2014
Peu après l'émergence de #YesAllWomen sur Twitter, BusinessInsider a révélé qu'Elliot Rodger était l'un membre assidu du site masculiniste PUAHate.com. Aujourd'hui hors-service, PUAH rassemblait les hommes abhorrant les " pic-up artists ", ces " artistes de la drague " qui n'ont aucun mal à séduire les femmes. Parce qu'elles résistaient à ses " charmes ", les femmes sont elles aussi devenues les cibles de la haine d'Elliot Rodger.
Dans une tribune publiée sur la version américaine du Guardian, la féministe Jessica Valenti souligne le caractère masculiniste du massacre de Santa Barbara. " Il expose calmement qu'il va "massacrer jusqu'à la dernière blonde pourrie gâtée et prétentieuse qu'[il verra]". Si le rôle qu'a joué la supposée mauvaise santé mentale de Rodger reste flou, le rôle de la misogynie est, lui, évident. "
Rappelant que les parents d'Elliot Rodger avaient, à plusieurs reprises, tenté d'alerter- en vain- les autorités sur la personnalité violente de leur fils, Jessica Valenti conclut : " Je me demande combien de policiers ont rejetés les diatribes vidéo de Rodger parce que la misogynie violente chez les jeunes hommes est considérée comme normale et attendue [...] La vérité, c'est qu'il n'existe pas de misogynie spontanée et solitaire : elle est conditionnée par notre culture, et par certaines communautés qui avancent que leur haine des femmes est à la fois banale et justifiée. Donc, quand nous disons que ce genre d'acte est inévitable, ce que nous disons vraiment est que nous sommes disposés à faire tout qui est en notre pouvoir pour l'arrêter. La violence envers les femmes ne doit pas être inévitable, mais doit être presque toujours prévisible : ce qui importe, c'est ce que nous faisons pour l'empêcher. "