Peut-on écrire “Féminisme” sur la glace ?
Chose inédite : Rivière répond à cette question en érigeant la patinoire… En territoire d’émancipation ! Et oui. D’empouvoirement, il en est question dans ce portrait d’une Suisse de 17 ans à découvrir dès ce 30 octobre en salles.
Cette jeune fille, c’est Manon, arrivée à Belfort pour retrouver son père (le fameux Rivière du titre, Frank de son prénom)... et qui va finalement s’adonner aux compétitions locales de hockey. Domaine très masculin qu’elle connaît bien puisque dans son pays natal elle affrontait directement les garçons sur la glace, excellant à son poste d'ailier-droit.
C’est donc à coups de crosse que va s’écrire ce “coming of age” très insolite. Décors enneigés, arbres recouverts de glace, nuit noire profonde… Dès sa première demi heure, ce portrait vivace vient nous troubler avec un ton à la fois très naturaliste et délicatement onirique.
Sous couvert d’un pitch sportif qui rappelle le très mésestimé Bliss de Drew Barrymore (avec Elliot Page), ce premier film envoûtant se dirige plutôt vers d’autres chemins, beaucoup plus audacieux…
Un portrait de fille moderne dans un décor aux faux airs de conte hivernal
Avec sa BO électro aux sonorités aériennes, ses jeunes comédiens très authentiques et son ambiance grisante, ce portrait d’une nouvelle génération qui s’écrit beaucoup au féminin renvoie avec éclat au désormais culte Naissance des pieuvres de Céline Sciamma, avec Adèle Haenel. Un autre film sportif - aquatique celui-ci - où se perçoivent les mêmes troubles et la même sensibilité.
Comme le cinéma de Céline Sciamma (que nous décryptons passionnément ici), Rivière est une chronique physique et queer, délicatement intime et politique…
Une sensibilité qui se perçoit d’ailleurs à travers quelques piques bien senties comme cet échange entre représentantes de la génération Z : “T’as un mec ?” “J’ai pas le temps pour les mecs !”. Dans le panorama social très atypique que met en scène le réalisateur Hughes Hariche, ces post-adolescents, loin de leurs modèles parentaux, s’amusent et “s’ambiancent” ensemble sur la glace (l’espace de scènes de glisse particulièrement intenses) et le font même la nuit, entre deux vodkas tonics.
Garçons et filles répondent à l’ennui et à l’incertitude en laissant parler leurs crosses. Une fuite en avant ? Plutôt une forme d’expression artistique à part entière. Et collective qui plus est. A l’unisson de cette liberté, loin des films sportifs familiaux américains alourdis de stéréotypes, Rivière va devancer tous les clichés et autres passages obligés en magnifiant la singularité de son héroïne.
Et en célébrant au passage la visibilité toute aussi urgente… des femmes qui aiment les femmes.
Un portrait de fille moderne dans un décor aux faux airs de conte hivernal.
Rivière, de Hugues Hariche. Avec Flavie Delangle, Sarah Bramms. En salles depuis le 30 octobre.