C’est un baiser qui fâche. Depuis que l’affiche du nouveau film d’Alain Guiraudie, L’Inconnu du lac a été retirée des panneaux municipaux des villes de Saint-Cloud (Hauts-de-Seine) et Versailles (Yvelines), la polémique enfle et le film bénéficie paradoxalement d’une publicité inattendue. Au cœur du débat : l’illustration réalisée par Tom de Pékin, montrant un couple d'hommes s'embrassant et en arrière-plan, un autre qui semble se livrer à une scène de fellation. C’est l’image qui choque et qui a déplu aux maires des deux villes, qui ont préféré la supprimer des affichages municipaux. Une décision aussitôt vivement critiquée, notamment par SOS Homophobie qui appelle à manifester contre cette censure et organise ce mercredi un « kiss-in » de protestation devant la mairie de Saint-Cloud. Du côté du conseil général, on explique que c’est suite à de « fortes réactions des familles et des enfants de la ville » que les quatre affiches ont été retirées, avec une volonté « d’apaisement » dans un contexte post-débat sur le mariage gay.
Mais pour la société de distribution du film, la décision reste injuste. « Nous avons vraiment fait attention, explique Régine Vial, de la société de distribution les Films du Losange. Nous avons essayé de concevoir l’affiche la plus juste et la plus originale. Mais nous n’allions pas cacher que c’est un film avec des garçons ! ». L’Inconnu du lac, qui a été récompensé à Cannes du prix de la mise en scène dans la sélection Un certain regard, se déroule en effet au bord d’un lac fréquenté par des homosexuels et retrace la rencontre entre Franck et Michel.
Pour la ministre de la Culture, la situation n’est pas acceptable : Aurélie Filippetti s’est ainsi exprimée dans un communiqué officiel, dénonçant un « acte de censure qui porte atteinte à la liberté de communication et d'expression ». Pour elle, la création prime : « Cette affiche (...) transpose, avec la liberté artistique qui doit être reconnue à tout créateur, le propos et l'ambiance du film. Elle ne présente pas les risques pour l'ordre public qui pourraient justifier des mesures de restrictions par les autorités compétentes », affirme-t-elle.
Ce n’est pas la première fois qu’une affiche se voit censurée. Parmi les cas d’école, on retiendra l’affiche du film Ave Maria, de Jacques Richard, en 1984, qui montrait l’actrice Isabelle Pasco crucifiée, seins nus, photographiée par Bettina Rheims. Autre image qui fit scandale : l’affiche parue en 1996 pour Larry Flint, de Milos Forman, sur laquelle Woody Harrelson figurait lui aussi crucifié sur le string blanc d’une silhouette féminine. Parmi les exemples plus récents, les affiches jugées sexistes du film Les infidèles de et avec Jean Dujardin et Gilles Lellouche : on pouvait voir sur l’une d’entre elles Jean Dujardin de face tenant deux jambes dénudées de femme la tête en bas, et sur l'autre Gilles Lellouche lançant au téléphone « ça va couper, je rentre dans un tunnel » tandis qu’une femme simule une fellation. Décidément, il ne fait pas bon rigoler avec le sexe sur les affiches de cinéma.
Les Infidèles : « les affiches seront retirées cette nuit »
L’Inconnu du lac : l’affiche retirée à Versailles et Saint-Cloud