On avait apprécié la limpidité purement pop de Drivers License, tube surprise du premier semestre 2021. Et l'on s'était plu à savourer les variations musicales plus intrigantes (et rock n roll) de Deja Vu, deuxième succès d'écoute attrayant comme il faut. En seulement deux chansons à la fois punchy et intimistes, Olivia Rodrigo, 17 ans seulement, nous suggérait en douceur pourquoi son style avait tout pour cartonner.
Plus de quinze millions d'écoutes dans le monde en un week-end seulement, c'est ce qu'a par exemple engendré son premier tube de l'année, l'érigeant illico en nouvelle valeur sûre de la pop music. Nouvelle, pas pour tout le monde : sur TikTok, cela faisait déjà un petit moment que la jeune Californienne affolait utilisateurs et utilisatrices, avec son abondamment relayée chanson romantique All I Want, issue de la série (et documenteur) High School Musical. Olivia Rodrigo semble débarquer et pourtant, les charts n'ont aucun secret pour elle.
Et c'est ce que devrait confirmer la sortie de son tout premier album, Sour, prévue ce 21 mai. Onze titres pour dire la confusion des sentiments d'une ado américaine aux gimmicks entêtants.
Confuse peut-être, mais pleine d'assurance. Car l'histoire d'Olivia Rodrigo est celle d'une ascension fulgurante. Avant que le clip de son Drivers License ne dépasse les 200 millions de vues sur YouTube (rien que ça oui), la jeune Américaine d'origine philippine (du côté de son père) et germano-irlandaise (du côté de sa mère) était déjà un visage familier au sein de l'univers télévisuel outre-Atlantique.
Remarquée depuis quelques années grâce à ses rôles dans des productions Disney légères et insouciantes, de la série télé Frankie & Paige au show High School Musical : La Comédie musicale, Olivia Rodrigo aurait pu très bien se limiter au cadre cathodique, de ces productions divertissantes et ludiques qui parlent forcément au jeune public. D'autant plus que la comédienne, passée par la case téléfilm (le long-métrage Grace, la meilleure pâtissière) avait su se diriger discrètement vers des séries plus adultes, comme la sitcom New Girl avec Zooey Deschanel.
Mais non, la Californienne formée dès son plus jeune âge aux subtilités du jeu théâtral a choisi d'investir l'industrie musicale. Pas étonnant : la musique, c'est sa passion depuis toujours. A six ans déjà, Olivia Rodrigo apprenait les rudiments du chant. Ado, elle fredonnait les refrains tour à tour spleenétiques et punchy de Taylor Swift. Comédienne, elle n'a jamais délaissé ce premier amour, hors des tournages ou face-caméra. En 2020, c'est la viralité de sa chanson All I Want qui l'a poussée à faire le tour des labels pour sauter le pas du premier album.
Et ce n'est pas la hype suscitée par la sortie de l'opus en question qui changera la donne.
Mais le succès d'Olivia Rodrigo ne peut se limiter au caractère éphémère des buzz. Non, car Olivia Rodrigo, c'est avant tout un style, qui se construit principalement sur une sensibilité avouée sans détour, une forme d'introspection romantique et mélancolique. Pour preuve, Drivers License et Deja Vu puisent tous deux dans le thème douloureux de la rupture (ce qu'elle produit, ce qu'elle évoque) comme élément déclencheur de la création musicale. De même, les onze titres de Sour donnent d'ailleurs le ton dès leur intitulé : Brutal, Traitor, 1 forward 3 steps back, Enough for you, Happier, Jealousy. Jealousy... ("Brutal, Traître, Un pas en avant trois pas en arrière, Assez pour toi, Plus heureux, Jalousie, Jalousie").
C'est toujours une forme d'amertume qui traverse la douceur vocale de la chanteuse, de celle qui fait la qualité des meilleurs mélos pop qui éclatant dans nos casques, volontiers sirupeux mais pas moins savoureux. Une sensibilité qui fleure bon l'authenticité.
Interviewée par le prestigieux Guardian, Olivia Rodrigo se dévoile : "Je suis une adolescente. Je ressens donc le chagrin et le désir vraiment intensément. Mon album parle de ces émotions qui ne sont pas forcément acceptables socialement, surtout pour les filles : la colère, la jalousie, le dépit, la tristesse. Ce sont des émotions qui sont désapprouvées. Mais moi je pense qu'elles sont plus que légitimes".
Des affects qu'elle partage avec l'une de ses icônes, la Néo-zélandaise Lorde. Celle qui régnait sur le monde à 17 ans seulement avec son album Pure Heroine l'a incitée à coucher ses sentiments sur le papier. "Lorde parle d'expériences normales que nous traversons toutes et tous et les transforme en quelque chose de beau et d'artistique. J'ai toujours voulu écrire un album comme celui-là", narre-t-elle au journal britannique.
Par-delà le clin d'oeil à sa role-model, Sour est aussi une manière de sublimer ses peines de coeur au gré des notes d'un piano-confident. Et c'est une réussite, à en croire la critique anglo-saxonne. Pour le Guardian toujours, plutôt exigeant dès qu'il s'agit de décortiquer les albums, les paroles de la jeune artiste sont pourvues d'une clarté "cinématographique". Epurée, son écriture "évoque subtilement la fin de l'innocence" et son personnage "d'adolescente éternelle et amoureuse" ne peut que susciter empathie et sentiment d'identification.
A la fois "enfant de Disney" et nouvelle sensation pop, Olivia Rodrigo n'en reste pas moins les pieds sur terre, pas superstar pour un sou. En ce moment, elle peaufine ses cours (à domicile) de lycéenne, dans l'attente de dégoter son ticket d'entrée pour l'université. Leçons d'éco et d'anglais font office de parenthèses entre deux performances remarquées dans des émissions à succès comme le Tonight Show de Jimmy Fallon et MTV Push.
Sur scène comme en interview, Olivia Rodrigo semble extérioriser des émotions trop intenses pour ne pas être partagées. Gageons que des milliers d'autres auditeurs et auditrices sauront les accueillir le 21 mai.