Mon petit renne, c'est la plus hallucinante des miniséries que l'on ait pu voir sur Netflix récemment. Surtout quand on sait que cette fiction s'inspire d'une histoire vraie, et qu'elle est écrite, et incarnée, par celui qui l'a vécue. C'est l'histoire d'un gars, comédien de stand-up, en plein syndrome post-rupture, qui va trouver à travers une inconnue la brève réponse à sa solitude profonde et à son ego en mal de flatteries. Avant qu'il ne découvre que son interlocutrice - qui va le baptiser "Mon petit renne" par textos - est une véritable harceleuse. Une rencontre à la Misery, le chef d'oeuvre de Stephen King.
Durant sa trajectoire riche en découvertes terribles, et en révélations traumatiques, mais aussi en nuance (lui non plus n'est pas tout blanc, spoiler), notre anti-héros va rencontrer l'amour de sa vie : Teri. Une femme trans qu'il aime profondément. Mais qu'il va décevoir. A qui il va mentir, et faire du mal... Dans ce rôle, une révélation : Nava Mau, comédienne mexicaine redoutable d'authenticité. Impossible de l'oublier. Elle marque la rétine.
Seulement voilà, jusqu'ici, Nava Mau était une excellente comédienne, elle est désormais une figure historique.
En étant nommée aux Emmy Awards hier soir, la cérémonie emblématique des prix accordés aux séries télé qui sacre les plus grandes (comme Jodie Foster), Nava Mau entre effectivement dans l'histoire en tant que première femme transgenre nominée pour la meilleure actrice dans un second rôle dans une minisérie.
Déjà un triomphe en soi.
Qui n'a pas échappé aux fans... Mais aussi à ceux qui pensent que la haine anti-trans, personnes ô combien discriminées et stigmatisées, est une lutte militante à part entière qu'il faudrait mener - oui, certains pensent cela dur comme fer. Il fallait s'y attendre malheureusement...
Quiconque a vu Mon petit renne n'a pas échappé à la présence de Nava Mau.
Dans le rôle du "crush" ultime de notre protagoniste, thérapeute et victime collatérale de son harceleuse, mais aussi de cet homme qui ne veut pas assumer ses sentiments, lâche et menteur, Nava Mau redouble de charisme. On constate à la fois son charme, irrésistible pour le personnage principal, le sentiment de trahison qu'elle va éprouver, l'amour qu'elle ressent cependant...
Sa transidentité est abordée dans cette minisérie, car Teri est même victime d'une forme de transphobie de la part du protagoniste, qui craint dans un premier temps de l'embrasser dans les transports en commun, à la vue de tous. Mais cependant, c'est un personnage qui existe en soi, dans toute sa complexité, sans que la série ne tienne forcément de discours appuyé à ce propos, ne la réduise à son identité.
"C'est une nomination historique ! C'est formidable de voir une représentation plus diversifiée dans les récompenses", a commenté une fan sur les réseaux sociaux en apprenant cette mise en lumière des Emmys. A l'unisson, d'autres spectatrices réagissent, tout aussi enthousiastes, à l'idée de cette nomination aux Emmys : "Fantastique. Elle était incroyable", "Elle était vraiment bonne là-dedans !".
Mais vous vous en doutez, parmi les réactions, on ne trouvait pas que de la bienveillance. "Et donc, une vraie femme ne peut pas être nommée. Du progrès !", "Pourquoi un homme prétend être une femme et se retrouve nommé pour un prix féminin ?", "Un homme qui profite d'une chance laissée à une femme, si progressiste", a-t-on pu également lire... Déplorable.
L'occasion de rappeler que les femmes transgenres sont des femmes - n'en déplaise à J.K Rowling. Et que la transphobie n'est pas une opinion. Twist, digne d'une série Netflix : la haine n'est pas une opinion, encore moins du militantisme.
Et ces mots de l'actrice elle-même, ravie de cette nomination : "Quand on laisse leur chance aux personnes trans, elles vont bien au-delà des attentes. Jouer dans cette série a été une expérience extraordinaire à chaque moment. Ça m'a transformée, et a changé ma vision de ce qui est possible. Être reconnue par mes pairs de l'Academy, ça vient récompenser cette transformation".