"Le travail du sexe a construit OnlyFans, et maintenant on a l'impression qu'ils nous tournent le dos". Auprès de Business Insider, Chelsea Lynn, créatrice de contenu pour adultes, témoigne de sa frustration. Le 19 août dernier, le réseau social a ainsi annoncé que les vidéos et photos porno ne seraient plus les bienvenues sur ses pages d'ici octobre 2021. Précisément, les cas "réels ou simulés" de masturbation et de sexe, mais pas la nudité.
Une décision qui aurait pour but de mettre un terme au visionnage de contenus destinés aux majeur·e·s par des mineur·e·s, et aux images sordides et illégales montrant des personnes victimes de trafic sexuel. Et puis surtout, de plaire davantage aux investisseurs, apparemment peu enclins à financer l'"Instagram du porno".
Les premier·e·s concerné·e·s n'ont pas tardé à dénoncer cette décision jugée paradoxale - "C'est comme si KFC disait : 'Nous allons interdire le poulet'", ironise Aella, l'une des stars du réseau, auprès de The Cut - exprimant au passage leur inquiétude quant à cette soudaine (et importante) perte de revenus et de sécurité à prévoir.
Ancienne strip-teaseuse, Merrick Deville, 27 ans, confie notamment au média américain ce qui la confortait dans l'exercice de sa profession par écrans interposés : "J'aime la liberté que procure le fait de pouvoir travailler en ligne. Si je ne veux pas être touchée ou être entourée de gens, je n'ai pas à le faire. Je n'ai pas besoin d'afficher une fausse personnalité et de me vendre constamment à des inconnus. Il y a aussi un élément de sécurité, puisque je peux faire cela de chez moi. L'industrie du sexe peut être très dangereuse."
Pour l'Adult Performance Artists Guild (APAG), association de défense des droits des travailleur·se·s du sexe, l'heure est particulièrement grave. "Nous reconnaissons instantanément le désespoir financier et la destruction que cela va causer à notre communauté", a-t-elle souligné dans un communiqué. "Nous nous préparons à la crise que cela va probablement provoquer."
Le 21 août, OnlyFans a tenté de rassurer ses troupes. "La communauté OnlyFans ne serait pas ce qu'elle est aujourd'hui sans vous", a tweeté la plateforme en s'adressant directement aux travailleur·se·s du sexe. Et de tenter de justifier sa décision : "Le changement de politique était nécessaire pour sécuriser les services bancaires et de paiement afin de vous soutenir. Nous travaillons 24 heures sur 24 pour trouver des solutions."
Mais selon Erica Cherry, 27 ans, ces explications et promesses floues tombent à l'eau. "Encore une autre plateforme qui est littéralement construite par les travailleurs du sexe et les utilisateurs qu'ils amènent, et qui a décidé de nous couper l'herbe sous le pied", lâche-t-elle dans les colonnes de The Cut. "C'est comme si nous n'étions pas vraiment important·e·s, juste quelque chose à utiliser sur leur chemin vers le succès financier."
Elle devait prendre quelques semaines de congés après une opération fin août, la jeune femme devra désormais mettre de côté son repos pourtant nécessaire, afin d'assurer ses revenus.
Pour Aella, qui récoltait la somme de 100 000 dollars mensuels par ce biais, ce n'est toutefois pas surprenant, et tristement inhérent au job. "En tant que travailleuses du sexe, nous sommes habituées à cela. Nous devons constamment changer nos tactiques et trouver de nouvelles façons d'être parce que les gens essaient toujours de nous écraser." Selon OnlyFans, cette nouvelle condition affecterait plus d'1 million d'utilisateurs et utilisatrices.