C'est l'affaire qui secoue la communauté internationale. Le 2 novembre dernier, Peng Shuai, l'ancienne numéro 1 mondiale de tennis en double, déclarait avoir été violée par l'un des hommes les plus puissants du Parti communiste chinois (PCC). Sur le réseau social Weibo, elle publiait un long texte décrivant la façon dont l'ex vice-Premier ministre Zhang Gaoli, avec la complicité de sa femme, l'avait contrainte à des relations sexuelles, avant de la forcer à devenir sa maîtresse.
Son récit avait été rapidement supprimé par les autorités locales, mais les captures d'écran ont permis d'en conserver la trace, et d'alerter par-delà les frontières.
Et puis, elle a disparu.
Pendant presque trois semaines, la jeune femme n'a donné aucun signe de vie. Face à cette absence inquiétante, le hashtag #OùEstPengShuai a pris une ampleur considérable dans le monde entier. Sauf en Chine, où le pays écarte complètement l'affaire, étant même allé jusqu'à censurer le mot "tennis" sur Internet.
Les soutiens des sportives et sportifs ainsi que les appels au boycott des J.O. d'hiver de Pékin se sont multipliés, les tennismen français Nicolas Mahut et Pierre-Hugues Herbert lui dédiant notamment leur victoire aux Masters de double le 21 novembre. Le même jour, comme par magie, elle a réapparu.
Dès le vendredi, des photos d'elle soi-disant "en sécurité" ont été diffusées sur WeChat et Twitter par un journaliste proche de l'Etat le vendredi 19 novembre, dans le but de dissiper des soupçons que les images n'ont fait qu'intensifier. Ce dimanche 21 novembre, la championne chinoise se serait entretenue avec le président du CIO Thomas Bach pendant une trentaine de minutes. Trentaine de minutes durant lesquelles elle était accompagnée d'un "ami" pour l'aider avec l'anglais - bien qu'elle le parle couramment, précise le New York Times - et où l'affaire de viol n'a pas été mentionnée une seule fois.
"Peng Shuai a remercié le CIO pour son intérêt, pour son bien-être. Elle a expliqué qu'elle était saine et sauve à son domicile à Pékin, mais qu'elle aimerait que sa vie privée soit respectée. C'est pour cela qu'elle préfère passer du temps avec sa famille et ses amis en ce moment", a rapporté l'organisation. Une parade qui n'a pas convaincu grand monde, et plutôt alarmé nombreux organismes et spécialistes.
Pour le Suédois Peter Dahlin, de l'ONG Safeguard Defenders, il s'agit ni plus ni moins d'une mascarade. "On n'accuse pas un ancien membre du comité permanent du politburo de quoi que ce soit, et encore moins d'agression sexuelle, sans en subir les conséquences", affirme-t-il dans les colonnes de Libération, évoquant des actes de torture psychologique et physique intenses mis en place par les forces de l'ordre dans le cadre de leur système de "Résidence surveillée dans un lieu désigné".
"Sans aucun doute, Peng Shuai est assignée à résidence ou placée dans une 'prison noire', comme l'a été par exemple la star de cinéma Fan Bingbing ou, très probablement, le magnat des affaires Jack Ma".
Lui-même détenu de force en Chine par le passé, Peter Dahlin témoigne auprès du journal à qui en douterait : "il peut sembler étrange de penser qu'une personne est en détention alors que de telles apparitions publiques ont lieu. C'est pourtant le cas, très souvent. Les personnes sont extraites pour des activités mises en scène, comme des interviews ou des appels vidéo avec des scripts préparés. Tout est scénarisé, et les médias d'Etat collaborent souvent avec la police".
Une crainte que partage la WTA, l'Association des joueuses de tennis : "Il est positif de voir Peng Shuai dans ces vidéos récentes, mais cela n'allège ni ne répond aux inquiétudes de la WTA sur son bien-être et sa capacité à communiquer sans censure ou coercition", a commenté l'organisation auprès de l'agence Reuters, s'opposant à la Chine au risque de perdre d'importantes revenus liés à des tournois et droits télévisés dans le pays.
Et d'insister : "Ces vidéos ne changent rien à nos demandes pour une enquête complète, transparente et sans censure, sur ses allégations d'agression sexuelle, le problème à l'origine de notre préoccupation". La mobilisation continue.