Vous n'avez pas pu passer à côté de cette histoire scandaleuse : celle de Grace, courageuse enfant nigérienne enrôlée dans un réseau de prostitution à l'âge de dix ans. Le Parisien relate son calvaire. C'est suite à un épuisant périple - où l'on tentera de la violer - que cette jeune orpheline a pu rejoindre la France. Arrivée à Paris, on l'a forcée à se prostituer, à raison de vingt passes par nuit. Grace finira par dénoncer ses exploiteurs à la police, et permettra ainsi le démantèlement de deux réseaux de prostitution. Ce récit édifiant témoigne de la perduration de ce trafic et surtout du (très) jeune âge de celles qui se retrouvent impliquées dans ce commerce des corps.
C'est d'ailleurs ce que nous démontre une récente enquête relayée par Le Parisien. Cette étude détaillée met le doigt sur un fait : proxénétisme et prostitution sont en progression en France. Plus précisément, l'on dénombrerait près de 50 000 prostituées sur le territoire national, si l'on en croit les chiffres du ministère de l'Intérieur. Et c'est 10 000 de plus qu'il y a deux ans. Mais, bien plus que la prostitution de voie publique, très apparente, c'est un système bien plus pernicieux et "fantôme" qu'on ne pourrait le croire qui s'esquisse derrière tous ces zéros..
Effectivement, comme l'énonce le quotidien, l'expansion de la prostitution est indissociable du web, entre annonces, sites dédiés, communication souterraine et échanges privés. Une facette moins visible que la prostitution de voie publique. Celle-ci s'étend notamment à travers des réseaux de proxénètes nigérians, dont le trafic "génère des gains colossaux", nous dit-on.
Dans ces réseaux, le trafic d'être humains implique la pratique d'une cérémonie superstitieuse de soumission, qu'a par ailleurs du subir la jeune Grace : le "juju". Autrement dit, une séance de maraboutage où la victime est dénudée et contrainte de manger le foie d'un poulain. Désireuses de vivre en France, les jeunes filles qui sont exploitées dans de tels réseaux sont en proie au chantage, sous l'emprise constante de proxénètes qui les endettent pour des sommes astronomiques - jusqu'à 25 000 euros par victime. Sous cette exploitation, une situation économique considérable : cette organisation criminelle a engrangé pas moins de 50 millions d'euros en trois ans.
Mais les réseaux de prostitution ne sont pas simplement en recrudescence : les femmes exploitées sont également de plus en plus jeunes. Un tiers des victimes d'exploitation sexuelle identifiées dans l'Hexagone l'an dernier sont de nationalité française - soit 341 victimes. Et parmi elles, plus de la moitié sont mineures. Une grande partie de ces jeunes filles, issue des foyers, fragiles économiquement et émotionnellement, sont violentées au sein de ce que l'on appelle le "proxénétisme de cité". Un "marché" en étroite corrélation avec le trafic de stupéfiants. Au sein de ce réseau tentaculaire, la prostitution de mineures (des tarifs à l'échange avec le client) s'alimente par le biais de moyens de communication modernes, comme Snapchat et WhatsApp. Là aussi, Internet permet d'alimenter cette exploitation illégale.
Face à cette situation des plus alarmantes, enquêtes (par centaines) et investissements des forces de police se poursuivent. En 2018, révèle le rapport du ministère de l'Intérieur, ce sont ainsi pas moins de 69 réseaux organisés de proxénétisme qui ont été démantelés, c'est à dire 2 % de plus qu'en 2017. 944 suspects ont été mis en cause. Un travail continu et nécessaire face à un trafic qui, bien souvent, touche les (très) jeunes filles. De quoi rappeler les mots glaçants de Grace à ce propos de cette prostitution de mineures organisée : "J'ai fait beaucoup d'argent pendant cette période parce que je suis très jeune, donc tout le monde veut me prendre moi".