Stupéfaction le 22 avril dernier dans la sphère fashion. Après des années de collaboration, Vogue annonçait via sa porte-parole son intention de ne plus faire appel à Terry Richardson pour ses shootings mode. En cause ? Une énième accusation de harcèlement sexuel de la part d'une jeune mannequin auquel le photographe de 48 ans aurait promis une séance photo pour le célèbre magazine si elle consentait à un rapport sexuel.
Il y a quelques semaines, c'était au tour de Dov Charney, le PDG de la sulfureuse marque de vêtements American Apparel de devoir quitter son poste après avoir fait l'objet d'une plainte pour agressions sexuelles de la part de plusieurs de ses employées.
Le point commun des deux hommes, hormis leurs récentes démêlées avec la justice ? Leurs multiples collaborations professionnelles au cours desquelles Terry Richardson shootait de jeunes mannequins dénudées pour les campagnes publicitaires d'American Apparel. Ensemble, le photographe et Dov Charney – mais aussi le couturier Tom Ford, le photographe Juergen Teller ou l'ancienne réd' chef du Vogue français Carine Roitfeld - ont contribué à répandre la tendance du « porno chic », qui consiste à user dans la mode des codes jusqu'ici réservés au monde de la pornographie et de l'érotisme.
Utilisée jusqu'à l'écœurement dans les campagnes publicitaires de Gucci, Dior, Marc Jacobs et American Apparel, la mode du porno chic a pourtant ses détracteurs qui dénoncent l'hypersexualisation des mannequins immortalisées dans des poses lascives et ambigües, voire carrément dégradantes. Comme Holly Eagleson et Lauren Wade, deux journalistes pour le site Take Part qui ont décidé de détourner les publicités les plus emblématiques en remplaçant les tops dénudés par des hommes tout en pilosité. Ainsi, dans la publicité pour le parfum « Tom Ford For Men », le flacon ne repose plus entre les seins d'une mannequin, mais sur la poitrine velue d'un homme aux ongles vernis. Même chose pour une publicité American Apparel de 2010 : ce n'est plus une jeune fille qui nous montre son fessier mais un barbu souriant.
Le résultat, aussi absurde que perturbant, a un but : faire prendre conscience aux marques de l'image dégradante et sexiste qu'elles renvoient des femmes. Interrogée par e-mail par le Huffington Post US, Lauren Wade explique : « Charney et Richardson sont vraiment représentatifs d'une forme spécifique de sexisme et d'objectivation dans les médias aujourd'hui. Leurs collaborations, en particulier pour American Apparel, représentent les femmes dans des positions pornographiques, sexuellement vulnérables où beaucoup d'expressions faciales du modèle donnent l'impression qu'elles ont été droguées ou qu'elles sont ivres. Ce sont des images de prédateurs. Elles dépeignent des femmes dont on a profité et sont censées représenter ce qui est sexy et vendre des pulls molletonnés. »
Aujourd'hui, Holly Eagleson et Lauren Wade espèrent une chose : que les publicités photoshopées « suscitent l'interrogation, surtout chez les femmes ». « Je pense que dans l'ensemble, nous avons juste pris l'habitude de voir des femmes représentées ainsi, poursuit Lauren Wade. La seule façon de faire changer les choses, c'est d'arrêter de nous taire et de demander à ce que cela change. »