Et si c'était le succès surprise de cet été ?
On l'espère : car on avait pas été autant ému par un film français depuis un bail. En relatant la paternité "empêchée" d'un homme, éduquant aux côtés de sa compagne un enfant (Jim) dont le père est parti, avant que le retour inattendu de ce dernier ne bouscule tout au sein du foyer, Le roman de Jim touche une corde sensible tout en évitant mille et uns écueils désastreux.
Lesquels ?
Et bien, vu le pitch, on pouvait s'attendre à un "Mon fils ma bataille" de mauvais aloi, une sorte d'énième quête d'un père contre qui tous se liguent façon Kramer vs Kramer... Il n'en est absolument rien.
A l'écoute de son protagoniste - éblouissant Karim Leklou - mais aussi de tous ceux qui l'entourent, ce mélodrame des frères Larrieu (auteurs d'une oeuvre ovniesque, atypique et insaisissable) donne le la à une vision saine, tendre et empathique de la parentalité.
Et à travers elle, d'une humanité qui écrit chaque jour son nouveau chapitre. Et ce chapitre peut carrément s'envisager comme l'un des grands enjeux des luttes féministes ! On explique.
Si Le Roman de Jim nous touche en plein coeur, c'est par sa justesse.
Notre protagoniste élève un garçon qui très tôt l'appelle "papa" puis se retrouve au bout de près d'une décennie exclu du cercle qu'il a lui-même contribué à bâtir. Sans forcer l'émotion ni l'animosité envers la figure maternelle, les frères Larrieu esquissent les passifs et raisons qui animent chaque personnage, quand bien même l'attachement le plus fort revient à ce père qui doit se contenter... D'être parrain.
Surtout, à travers le regard toujours à vif de Karim Leklou, Le roman de Jim privilégie la sensibilité comme principale musique de son récit. Homme doux, toujours à l'écoute, fuyant le conflit sans pour autant l'ignorer, ce personnage de père, puisqu'il ne l'est pas officiellement, remet en question la notion traditionnelle de parentalité et lui accorde une définition plus contemporaine, fluide, remodelée.
Père, pas aux yeux de la société, certes, mais pour le public, et pour Jim, il l'est totalement. Au gré de sa trajectoire il va rencontrer des hommes, et des femmes, compagnes, amis, famille, exs, qui pourraient tout aussi bien aborder ce rôle parental... Ou qui à l'inverse échouent à l'assumer. C'est un discours plein de lucidité et de bouleversements subtils, en sourdine, que le Roman de Jim délivre sur ce sujet primordial.
Primordial, et intensément féministe : car il est question d'éducation des garçons, de nouvelles générations, du couple également, de l'importance de développer des relations saines et sans haine... Il est question d'une masculinité qui ne sombre jamais dans la toxicité, ne se construit pas sur une virilité archétypale, mais sur la communication, la transmission, l'osmose avec ses affects et notamment, l'expression de sa tristesse.
C'est fort, c'est beau, c'est poignant : et c'est à découvrir en salles.