À cause de nos députés, il va donc falloir continuer de payer plein pot serviettes hygiéniques, coupes menstruelles et tampons. Au terme d'un court débat qui s'est déroulé dans la nuit de mercredi 14 à jeudi 15 octobre à l'Assemblée nationale, les rares élus présents ont rejeté à une voix près l'amendement demandant une baisse de la fameuse "taxe tampon", qui gonfle le prix des produits d'hygiène féminine.
Porté par la présidente de la délégation aux droits des femmes de l'Assemblée, Catherine Coutelle et soutenu par le collectif Georgette Sand, l'amendement ne demandait pourtant pas l'impossible : simplement une diminution de la TVA de 20% à 5,5% sur les protections périodiques, comme pour n'importe quel produit de "première nécessité". Après tout, une TVA réduite est déjà appliquée pour les préservatifs et le shampoing, des produits sur lesquels il est aussi difficile de faire l'impasse.
Mais visiblement, pour nos députés, les 15 millions de femmes réglées vivant en France peuvent tout à fait se passer de mettre un tampon ou une serviette hygiénique quand elles sont "indisposées".
C'est en tout cas l'opinion de Christian Eckert. Non content de faire savoir que "le gouvernement ne souhaite pas bouger sur les niveaux de taux de TVA" (sic), le secrétaire d'État au budget a tenté d'étayer son point de vue en avançant des arguments qui ont du mal à passer.
Baisser la TVA sur les tampons ? Pas question : cela risque de donner des idées aux parcs d'attraction, aux grottes et aux transports scolaires, eux aussi taxés à 20%, répond Christian Eckert, avant de comparer les protections périodiques à ... la mousse à raser.
"Il y a beaucoup de produits d'hygiène qui concernent plutôt les hommes, mais pas exclusivement, dont le taux de TVA est à 20%. Les mousses à raser, spéciales hommes, ont des taux de TVA à 20%", argumente le secrétaire d'État au budget.
Et c'est là où l'on est vraiment, vraiment en colère : non, monsieur Eckert, mousse à raser et produits d'hygiène féminine ne sont en aucun cas comparables. En tant qu'homme, il est tout à fait acceptable que vous vous promeniez dans la rue, que vous ayez une vie sociale, que vous alliez au travail même en arrêtant de vous raser. Devenir barbu ne vous vaudra ni remarque déplacée, ni regard de dégoût, et ne vous empêchera certainement pas de vous lever de votre chaise.
Ce qui n'est pas le cas des femmes qui ont leurs règles. Quand on a ses règles, et hormis si l'on est adepte du flux instinctif, il est impensable de se priver de protection périodique sous peine de tacher ses vêtements.
L'égalité femmes-hommes, ok, mais pas trop quand même
Alors quoi, est-ce la perspective du coût de la diminution de la "taxe tampon", estimée à 55 millions d'euros dans le cadre du projet de budget pour 2016 qui refroidit les députés ?
Pour rappel à ces derniers, demander la baisse du prix des produits d'hygiène féminine n'a rien d'une lubie. Ça n'a pas non plus pour but de les mettre mal à l'aise – même si parler tampons et menstruations dans ce lieu sanctifié qu'est l'Assemblée nationale en a embarrassé plus d'un -.
Si la députée Catherine Coutelle, si les associations féministes, et en particulier le collectif Georgette Sand demandent aujourd'hui la fin de la taxe rose, c'est que les protections périodiques sont indispensables et pèsent considérablement sur les revenus des femmes. Selon une étude réalisée outre-Manche par une journaliste, une femme utilise en moyenne 10 000 tampons au cours de sa vie. Au prix où ces produits sont vendus (environ 4,26 euros la boîte de 20 tampons), cela représente l'équivalent de 38 jours de travail à temps plein pour une femme touchant le salaire minimum.
Par ailleurs, comme le rappelle Georgette Sand dans un communiqué , les femmes continuent encore et toujours de percevoir en moyenne un salaire inférieur à 27% que leurs collaborateurs masculins. En 2013, lorsqu'un homme percevait en moyenne 1642 euros de pension de retraite par mois, les femmes, elles devaient se contenter de 993 euros.
Comment, à l'heure où le sujet de l'égalité entre les sexes occupe de plus en plus le terrain médiatique, les députés peuvent-ils refuser une telle mesure favorable aux femmes ? Peut-être que si l'Assemblée nationale n'était pas à 77% composée d'hommes, on le saurait enfin.
Vous aussi, vous êtes en colère contre la décision des députés de maintenir la taxe tampons ? Vous pouvez dès maintenant le dire en signant la pétition du collectif Georgette Sand sur Change.org.