Yves, Audrey et Fanny étaient tous trois citadins, ils sont aujourd’hui Cantaliens. Tous trois ont posé leur sacoche à Murat, petit village auvergnat, pionnier dans le développement du télétravail. Pour aller à la reconquête démographique de ce territoire rural, la communauté de communes s’est mise au boulot : aides à l’installation, logements passerelles, formation… Résultat : depuis 2007, une dizaine de télétravailleurs s’y sont installés. Trois d’entre eux ont accepté que Terrafemina leur brosse le portrait.
Y venir. Audrey Bultez, ancienne assistante commerciale lilloise, n’a jamais rêvé d’un emploi salarié. « La hiérarchie, les missions que l’on ne choisit pas forcément, ce n’était pas pour moi ». En 2008, elle décide donc de créer sa propre entreprise mais « dans l’optique d’être mobile ». Avec son ordinateur pour seul outil de travail, cette rédactrice freelance veut quitter dès que possible la vie lilloise dont elle ne veut plus : trop de pollution, trop de grisaille, trop de bouchons, elle rêve de dépaysement. « À chaque période de vacances, je sillonnais la France avec mon mari à la recherche de notre nouveau cadre de vie. Le Cantal nous a immédiatement séduits. » Aidé par la communauté de communes, le couple s’installe à Neussargues-Moissac, à quelques kilomètres de Murat, en juillet 2011.
Y vivre. Si pour Audrey, question boulot, rien n’a changé en arrivant dans le Cantal - « j’ai gardé mes clients : depuis Lille ou depuis Murat, le travail reste le même » -, la vie, elle, est très différente. « Le télétravail me permet d’avoir une certaine liberté dont je peux profiter ici : à la fin de la journée ou même quand j’ai envie de faire une pause, je peux aller en randonnée ou simplement rester dans mon jardin ». Car pour Audrey, pas question de quitter son chez soi : « Le télécentre ressemble encore trop à un bureau pour moi. C’est une sécurité, en cas de souci, mais je préfère simplement passer de temps en temps pour voir les autres télétravailleurs. » La solitude, elle n’en a jamais souffert jusqu’ici : « On ne manque de rien, et si vraiment on a besoin de retrouver la ville, Aurillac est à une heure. »
Et après ? Le télétravail ? Pas question d’y renoncer pour Audrey : « J’ai réussi à trouver un équilibre, y compris financièrement, aujourd’hui je me sens beaucoup plus sereine. J’arrive à m’épanouir ici, je suis moins stressée, j’ai une vie plus saine. » Et si Audrey ne renoncerait plus à la campagne, elle n’ose pas présager de son avenir : « S’il faut déménager un jour, je le ferai, sans souci. »
Y venir. Ancien journaliste d’entreprise indépendant, Yves a travaillé pendant 22 ans à Paris. Mais il y a deux ans, il s’est retrouvé « sur le carreau » : « Une agence où j’étais pigiste m’a mis dehors, c’était l’une de mes plus importantes sources de revenu ». Il décide alors de « changer de ville » après avoir si souvent « changé de vie ». Yves cherche « quelque chose de stable », et accepte un CDI à Lyon « en deux heures » : « Mais ça n’a pas collé, je suis resté 9 mois, et j’ai décidé de me lancer comme indépendant. » Il devient ainsi télétravailleur « sans le savoir » et rencontre Marie, une habitante de Murat. Quatre mois plus tard, en juin 2012, il s’installe chez elle : « Le plus drôle c’est que j’ignorais complètement que j’allais y bénéficier d’un accueil privilégié. »
Y vivre. Yves a fréquenté à ses débuts le télécentre parce qu’« Internet n’était pas encore installé » chez lui, mais avoue ne plus y aller suffisamment. « C’est important de se voir, de discuter de nos projets. J’ai déjà rencontré quelqu’un qui va m’aider dans ma comptabilité et une graphiste avec qui je vais collaborer. » Mais malgré ces rencontres, l’ex-Parisien, qui vient de créer l’atelier de théâtre de Murat, souffre parfois de solitude : « Ce qui me manque aujourd’hui, ce sont des temps de rencontre, des assos, des clubs, bref, un tissu associatif plus développé. Mais je m’y attelle ! » Et si l’ancien journaliste fait encore régulièrement des séjours à Paris, il sait aujourd’hui qu’il ne pourrait plus y vivre : « Je me sens comme un drogué en cure de désintoxication, ça me fait du bien de vivre dans un endroit aussi magnifique. »
Et après ? Yves suit actuellement une formation pour « faire évoluer » son métier vers la communication participative : organiser des débats, des rencontres, des concertations « qui font émerger une intelligence collective ». Loin d’être un frein à sa carrière, le télétravail est plutôt pour lui « une étape » : « Je souhaiterais intégrer des projets territoriaux. Le télétravail, pour moi, n’est pas un but en soi mais plutôt un moyen pour développer mon activité. »
Y venir. En janvier 2011, fraîchement diplômée, Fanny part en Argentine réaliser un reportage photo. À son retour, elle trouve son premier job de graphiste à Clermont-Ferrand, la ville où elle a toujours vécu. Mais l’expérience ne dure pas longtemps. « Je venais de passer quatre mois à réaliser mes projets du début à la fin et j’ai réalisé que j’aimais ça. » Fanny crée alors son entreprise, mais les débuts sont difficiles. « Je suis restée seule chez moi pendant un an, je me suis renfermée sur moi-même. Après plusieurs mois, j’ai donc cherché un bureau partagé. » Mais alors qu’elle s’imaginait rester à Clermont-Ferrand, son petit ami trouve un emploi… à Murat : « C’est comme ça que j’ai découvert le télécentre. Et on m’y offrait une place gratuitement pendant un an. » Il y a un mois et demi, Fanny s'y est installée.
Y vivre. La Clermontoise vit désormais à Valjouze dans une petite maison au pied des montagnes et dans l’une des plus petites communes de France. « Quand je suis rentrée d’Argentine, où j’avais vécu entourée de la nature, je me suis dit que mon mode de vie ne me convenait plus. » Aujourd’hui, Fanny peut s’adonner à sa passion, la photo animalière quand elle n’est pas au télécentre. Car, même indépendante, c’est essentiel pour elle de s’y rendre chaque jour de 8 heures à 18 heures : « Quand j’étais chez moi, j’avais beaucoup de difficultés à arrêter de travailler, je n’arrivais pas à séparer ma vie professionnelle de ma vie privée. Et puis j’ai besoin de contact, de lien social. Ça m’apporte énormément. »
Et après ? Si Fanny a eu des doutes avant de quitter Clermont-Ferrand, elle est aujourd’hui rassurée : « J’ai gardé mes anciens clients, et j’en ai gagné de nouveaux en arrivant ici. Je profite du réseau créé par le télécentre, aujourd’hui, je ne suis plus seule. » Et pour le reste, une seule chose lui manquera : « Les arts vivants, les spectacles, j’adore ça, mais c’est simplement une historie de motivation, il faut que je prenne ma voiture c’est tout. »
Crédit photo : communauté de communes du pays de Murat
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