Depuis moins d'une semaine, la corniche longeant la mer à Beyrouth, la capitale du Liban, est le théâtre d'une installation aussi déroutante que dérangeante : 31 robes de mariée faites de dentelle et de papier sont exposées au vent et aux intempéries. Œuvre de l'artiste libanaise Mireille Honein, cette exposition à ciel ouvert intitulée "Undress 522" n'a rien de fortuit : elle veut dénoncer l'impunité dont jouissent les violeurs dans ce pays patriarcal et conservateur. Il y a "31 robes car il y a 31 jours dans un mois et chaque jour, une femme risque d'être violée et d'être forcée d'épouser son violeur", explique Alia Awada, la responsable de l'association pour les droits des femmes Abaad.
Comme d'autres organisations, l'association se bat pour la suppression de l'article 522 du code pénal libanais qui permet aux violeurs d'échapper à toute condamnation s'ils épousent leur victime. Il stipule en effet que si un "mariage valide est contracté entre la victime et l'auteur d'un viol de mineur, d'une agression ou d'un rapt, les poursuites cessent et si un verdict a déjà été prononcé, son application est suspendue". La BBC rapporte qu'en 2016, la loi a été modifiée afin qu'un violeur ne puisse utiliser cet article que si la victime était âgée de 15 à 18 ans et que si l'acte paraissait avoir été consensuel. Une honte pour les militantes des droits des femmes.
"Ce type de loi vide la femme de son essence, la laisse sans identité et les force à vivre une vie qui ne leur convient pas, ce qui est honteux pour ceux qui l'imposent", explique à l'AFP Mireille Honein. Avec d'autres militants, la jeune femme cherche désormais à faire abroger l'article 522 du code pénal. En février dernier, une commission royale s'était déjà prononcée pour son abrogation. C'est désormais au Parlement de voter le 15 mai prochain.
Le Liban n'est pas le premier pays du Moyen-Orient et d'Afrique à remettre en cause cette loi patriarcale obligeant les femmes à sacrifier leur vie pour épouser leur violeur. Le Maroc, l'Égypte, et l'Éthiopie ont précédemment déployé des efforts pour éliminer les failles juridiques profitant aux agresseurs sexuels. Sous la pression des défenseurs des droits des femmes, la Jordanie vient elle d'abroger un article de loi similaire à celui du code pénal libanais. L'article 308 du code pénal jordanien prévoyait jusqu'ici qu'en cas de viol, l'agresseur échappe à des poursuites en épousant la victime et en vivant avec elle pendant cinq ans. Les activistes féministes militaient depuis des années pour réclamer l'abrogation de cet article.