"Mon mari m'a battue parce que je lui ai simplement demandé pourquoi il avait tardé à revenir", explique-t-elle face à la caméra d'un téléphone portable. C'est une femme qui parle, adossée contre le mur d'une rue de Mejjatia Ouled Taleb (Casablanca-Settat). D'abord, elle se cache pudiquement le visage, puis le dévoile, ainsi que ses bras, ses jambes, son ventre. Son corps entier est recouvert de sévères hématomes. Ses nombreux bleus virent au noir. Ses yeux sont enflés. Difficile de ne pas détourner le regard et pourtant, il faut regarder. Et l'écouter.
C'est d'ailleurs ce qu'ont fait les internautes, révolté·e·s : mise en ligne sur Facebook le 7 juillet dernier, cette vidéo a déjà été partagée plus de 3 000 fois. Le millier de commentaires qui en découle dénonce la lâcheté et la violence de l'oppression patriarcale.
"Cet homme n'est pas humain", ajoute-t-elle. L'anonyme explique que les agents de gendarmerie qu'elle est venue voir suite à son agression n'ont pas souhaité recueillir sa plainte. En vérité, ils n'auraient même pas voulu la faire entrer. Quant à son mari, il serait parti avec ses deux filles. "Comment a-t-il pu lui faire tout ça ?", nous demande-t-elle. Le sentiment d'impunité est total face à l'inaction des autorités locales. Les images, elles, sont brutales, et en disent long sur la condition des femmes au sein de la société marocaine.
"93 % des femmes souffrent en silence". C'est ce que relève bladi.net en se référant aux mots de la ministre de la Famille, de la solidarité, de l'égalité et du développement social Bassima Hakkaoui. Selon la ministre, seulement 6,6% des femmes marocaines victimes de violences auraient porté plainte l'an dernier. Peur de se rendre au commissariat, impossibilité de libérer la parole, pressions sociales et physiques diverses, manque de formation des autorités "compétentes", les raisons ne manquent pas. Celles qui parviennent à sauter le pas seraient "en majorité des femmes divorcées ou des veuves".
Plus que les souffrances corporelles et sexuelles, Bassima Hakkaoui insiste sur le poids des violences psychologiques sur lesdites victimes. En 2018, elles auraient été pas moins de 12,4% à subir une agression au sein de l'espace public, nous apprend le site d'informations marocain Yabiladi.
Si une source au sein de la brigade de gendarmerie confirme pourtant avoir bel et bien enregistré la plainte de l'épouse battue, laquelle a abouti à l'ouverture d'une enquête (comme le révèle le média marocain Tel Quel), la situation n'en reste pas moins alarmante. Tel Quel rappelle que la loi marocaine considère comme criminels les actes de harcèlement, d'agression et d'exploitation sexuelle... depuis un an seulement. Il y a encore beaucoup à faire dans la prise en considération (et la protection) des victimes de violences conjugales. Un premier pas à faire serait de garantir une plus forte autonomisation des femmes marocaines afin d'assurer l'égalité des sexes, explique Bassima Hakkaoui sur le site du gouvernement. C'est toute la condition féminine qui doit être repensée.