Comment mieux sanctionner le harcèlement de rue ? La France élabore actuellement dans la loi contre les violences sexistes et sexuelles, une disposition qui, depuis son vote au Sénat début juillet, fait du harcèlement de rue un délit passible d'une amende de maximum de 3700 euros en cas de récidive. Mais avant d'en arriver là, la question de l'outrage sexiste a beaucoup divisé.
En Grande-Bretagne, la police est en train de réfléchir au même problème. Et pour mieux y remédier, elle souhaite donner plus de visibilité à ces situations. On peut en effet considérer que les femmes sont une cible dans le harcèlement de rue, ce dernier ayant pour but dans ce cas pour le dominant d'intimider et de montrer sa supériorité sur la dominée et de créer ainsi une terreur de groupe du genre féminin.
Une expérimentation a été tentée dans la ville de Nottingham pendant deux ans, de mai 2016 à juin 2018. La police a créé dans ses compte-rendus la catégorie de "délit de haine misogyne". Les agressions sexuelles, par exemple, seront toujours considérées comme telles, mais en plus, elle seront catégorisées comme crime haineux envers le genre féminin. Cela a permis de mieux mettre en lumière les faits commis spécifiquement contre les femmes alors qu'ils sont pour la plupart du temps considérés comme quelque chose de normal et de banal, y compris pour les femmes.
Plus de neuf personnes sur dix ont vécu le harcèlement de rue
Sont ainsi considérés des crimes de haine misogyne par la police, "les incidents contre les femmes qui sont motivés par l'attitude des hommes à l'égard des femmes et qui incluent le comportement ciblé sur les femmes par les hommes simplement parce qu'elles sont des femmes".
Cela inclut entre autre les abus verbaux, les menaces de violences, les agressions et les contacts physiques non consentis, mais aussi le fait de se faire siffler ou déshabiller du regard, d'avoir le sentiment d'être suivie en rentrant chez soit ou être victime d'upskirting.
Le Guardian rapporte que la police locale a reçu dans cette période 181 signalements de "délit de haine misogyne" sur deux ans. Sur ces 181 incidents haineux, 74 ont été considérés comme des crimes et ont mené à quatre arrestation et une accusation. Les 107 restants ont été considérés comme des "incidents".
Un sondage a été effectué auprès de 679 habitants de cette ville du centre de l'Angleterre par l'université de Nottingham Trent pour faire un bilan de cette politique de la police locale. Plus de neuf personnes sur dix ayant répondu ont vécu ou vu le harcèlement de femmes dans l'espace public, soit 95,2 %. Ils ont aussi mis en évidence que les femmes racisées avaient deux fois plus de chances d'être attaquées à cause de leur genre et de leur couleur de peau.
Neuf personnes sur dix ont également déclaré que ces agissements étaient un problème social pour les femmes. Plus de la moitié les ont catégorisés comme étant des actes criminels. La quasi totalité des répondants sont aussi d'accord avec l'essai réalisé par la police de la ville.
L'étude mentionne plusieurs témoignages de femmes ayant vécu le harcèlement de rue. L'une d'elle se désole de l'attitude de certains citoyens : "Les hommes peuvent ne pas se rendre compte que leur comportement est dérangeant, ils peuvent le voir comme un 'compliment'."
Les auteurs et autrices de l'étude déplorent les commentaires des médias à l'annonce de cette nouvelle politique de la police de Nottingham : "Ces commentaires sur le fait que les hommes ne connaissent pas les frontières sont très semblables aux commentaires négatifs qui sont apparus dans les médias lorsque le changement de politique sur les crimes de haine misogyne a été lancée, ils ont été utilisés pour la rendre triviale et la minimiser." A l'époque en effet, comme le rappelle la BBC, certain·e·s avaient critiqué le fait que l'on allait criminaliser le fait de siffler des filles dans la rue, sans prendre en compte le côté systématique du harcèlement dans l'espace public.
Mercredi 11 juillet prochain, le National Police Chiefs' Council discutera de l'adoption de ce dispositif dans toute l'Angleterre, en Irlande du Nord et au Pays de Galles. Paddy Tipping, déléguée à la criminalité et à la police de la région de Nottingham, explique dans le rapport du sondage : "En soi, cette nouvelle classification ne changera pas le comportement du jour au lendemain. Cependant, en collaboration avec des partenaires locaux, nous sommes déterminés à changer les comportements qui normalisent les comportements inacceptables."
Sur le long terme, cette nouvelle politique de la police permettrait aux victimes de signaler les faits de manière plus systématique, puisqu'elles s'estimeront davantage prises au sérieux, et ainsi de mieux lutter contre ces faits de harcèlement.