La ville de Bordeaux a lancé une exposition de six affiches pour alerter les passant·e·s sur le harcèlement de rue mais aussi déculpabiliser les victimes. Intitulée "Un regard ne suffit pas", elle s'adresse particulièrement aux témoins d'agressions et les incite à réagir. Et contrairement à la récente campagne de la région Ile-de-France, les agresseurs n'y sont pas représentés en animaux, mais bien en chair et en os.
Cette campagne qui durera quinze jours a été élaborée conjointement avec les associations Stop Harcèlement de Rue et Hé Madmoizelle. Elle est exposée au Miroir d'eau, sur les quais bordelais, un lieu très passant de la ville, du 19 juin au 1er juillet. Six affiches y décrivent des situations fictives auxquelles beaucoup de femmes ont été confrontées. On y voit une fille agressée par un frotteur dans le tramway ou une autre importunée par une homme sur les marches d'un monument bordelais, une autre bloquée dans une rue contre un mur ou un groupe de garçons qui montrent du doigt une femme en mini-jupe.
A Paris, 100 % des femmes ont déjà été harcelées dans les transports. A Bordeaux, selon une enquête "Femmes et déplacements" datant de 2016, 83 % des habitantes ont déjà été harcelées dans la rue. Une étude montre également que 89% des personnes interrogées qui ont été témoins d'agressions n'ont eu aucune réaction.
Marie Szalay, étudiante en ingénierie et recherche psychosociales et stagiaire à la mairie de Bordeaux, a elle aussi mené son enquête en avril. Elle a recueilli près de 300 réponses. Les résultats ont permis d'élaborer cette campagne d'affichage. Sur France Bleu Gironde, elle précise la démarche derrière cette première exposition : "On cherche à recueillir les avis. La majorité des personnes concernées par le harcèlement de rue se sont les témoins." Sur la réaction des hommes à cette campagne elle raconte : "Les hommes sont tous très intéressés. Ils comprennent le sens, je pense qu'ils se voient eux-mêmes à la place des témoins qu'ils ont déjà été, ça leur parle".
C'est Léo Massias, un étudiant en master psychologie à l'Université de Bordeaux, qui a réalisé les photos. Il explique au journal Sud-Ouest : "En prenant ces photos, j'ai voulu instaurer de la gêne chez ceux qui les regardent".
Interrogé par 20 Minutes, Marik Fetouh, adjoint au maire de Bordeaux chargé de l'égalité et de la citoyenneté, précise : "Les campagnes de sensibilisation ne vont pas révolutionner la société, mais c'est grâce à ce type d'action qu'on fera avancer les choses dans le bon sens".
En parallèle, l'association Stop Harcèlement de Rue en a profité pour relayer son guide pour lutter contre ce fléau qui pourrit la vie quotidienne des femmes. Il explique que la première chose à faire en tant que témoin et de s'interposer physiquement entre le harceleur et la victime, sans forcément parler. Si vous avez trop peur d'intervenir, vous pouvez aussi en parler à un·e voisin·e et y aller à deux. Si une personne intervient, les autres passant·e·s auront moins de mal à se lancer pour réagir. Une autre technique consiste à dire bonjour à la victime en faisant semblant de la connaître pour que le harceleur ne la voit plus comme isolée.
Cette campagne n'est qu'un premier pas vers cette sensibilisation. Elle sera étendue à toute la ville de Bordeaux du 8 au 24 novembre 2018 pendant la Quinzaine de l'égalité.