Isabelle Adjani a choisi son camp. Elle qui avait déjà affiché un soutien appuyé au mouvement de la libération de la parole des femmes, elle a décidé de sortir à nouveau de sa réserve pour faire preuve d'une sororité bienvenue en cette période de retour de bâton réactionnaire.
Dans un long entretien à Gala où il est question, entre autres, de sa relation avec son père et de son rapport à son corps, la star de La Reine Margot revient aussi, au détour d'une question, sur la tribune dans laquelle cent personnalités féminines, parmi lesquelles Catherine Deneuve et Catherine Millet, défendaient la "liberté d'importuner". Sa parution, le 9 janvier dernier dans Le Monde avait déclenché une vive polémique. Sous prétexte de défendre la une certaine idée de la séduction à la française, ses signataires s'en prenaient vivement au mouvement #MeToo, qui exprimerait selon elles une "haine des hommes" et entraverait la liberté sexuelle. Pire : en faisant sciemment l'amalgame entre séduction et harcèlement, les signataires de la tribune excusent, voire cautionne la violence envers les femmes, ce qui confond au mépris des victimes, que ces dernières osent ou non dénoncer les actes qu'elles ont subis.
Pour Isabelle Adjani, cette tribune est non seulement "infamante", mais aussi en totale contradiction avec notre époque, affirme-t-elle dans les pages de Gala. "Quand il y a, comme ça, un mouvement de libération de la parole sans précédent, on ne l'interrompt pas, on le laisse s'épanouir. Quand il y a 30 ou 35 % de plus de femmes qui osent enfin porter plainte pour maltraitance, on dit bravo !", affirme la comédienne aux cinq César.
Elle poursuit : "Et quand je lis des phrases comme : 'Il faut comprendre la misère sexuelle d'un homme dans le métro' je suis désolée mais non ! Le 'frotteur dans le métro' il m'est tombé dessus quand j'avais quinze ans, et les sensations avilissantes que j'avais éprouvées ne se sont pas effacées."
Et de rappeler un élément essentiel, pourtant totalement nié par les signataires de la tribune : "Se remettre de ça dépend de chacune, de l'histoire traumatique qu'on trimballe. On n'est pas toutes égales devant la possibilité de s'en sortir seule. Les femmes sont toujours autant menacées partout dans le monde, alors ce n'est pas le moment de lâcher la pression."
Ce n'est pas la première fois qu'Isabelle Adjani fait preuve de sororité avec les femmes qui osent briser l'omerta autour du harcèlement et des agressions sexuelles. Mi-octobre, elle avait co-signé la tribune "Quand une femme dit non, elle dit non" publiée dans le Journal du Dimanche. "Pour la plupart des gens, si une actrice doit coucher pour y arriver, ça reste naturel, voire normal, selon l'idée qu'il faut bien donner un peu de soi quand on veut obtenir beaucoup", écrivait-elle alors.
Elle avait aussi en novembre raconté à Libération les violences qu'elle avait elle-même subies de la part de producteurs, scénaristes et cinéastes. "Il m'est arrivé de refuser des projets qui m'intéressaient à cause de gestes qui m'ont pétrifiée, alors qu'ils peuvent être bénins pour d'autres. J'ai encore en mémoire un déjeuner où un metteur en scène russe a attrapé ma main en la serrant si fort que je ne pouvais plus la retirer. Il a mis mon index dans sa bouche, en se mettant à le sucer, longuement. Je lui ai écrit un mot longtemps après : 'Andreï, je voulais vous dire que si je n'ai pas fait la Mouette avec vous, c'était à cause de ce déjeuner et parce que vous avez mis mon doigt dans votre bouche.'"