Dans les sons capables de provoquer des réactions épidermiques chez les gens, on peut notamment citer le crissement des ongles sur un tableau noir ou celui d'un couteau sur une assiette. Mais imaginez si chaque petit bruit devenez pour vous une torture. De la personne qui mâche un chewing-gum au simple tic-tac de l'horloge... si ce type de sons provoque chez vous des réactions intenses (colère, anxiété, dégoût), c'est que vous êtes peut-être misophone. Cette pathologie a été identifiée à la fin des années 90 aux États-Unis. Le docteur Jastreboff de l'Université d'Emery à Atlanta, est le premier scientifique à mettre un nom dessus. En 2001, la misophonie (littéralement : haine du son) entre dans le Livre de Tinnitus, un ouvrage répertoriant les maladies auditives.
Les personnes souffrant de misophonie ne montrent aucune réaction particulière aux sons qu'elles produisent elles-mêmes. Ce sont les bruits "normaux" qui sont problématiques. On peut citer par exemple : le raclement de gorge, se brosser les dents, se couper les ongles, boire, manger, déglutir, rire, ronfler, tousser, taper sur un clavier d'ordinateur, respirer, renifler. Ces sons provoquent des symptômes physiques chez le misophone, tels que la transpiration, l'accélération du rythme cardiaque, ou l'apparition de tension musculaire.
Bien évidemment, la détresse peut aussi être émotionnelle. Ne supportant plus les sons du quotidien, certaines personnes vont ainsi souffrir d'une grande anxiété et se refermer sur elles-mêmes. D'autres peuvent également adopter un comportement déviant envers la source du bruit – qu'il s'agisse d'une personne ou d'un objet.
La misophonie est une pathologie reconnue récemment et elle est donc encore compliquée à diagnostiquer et à soigner. Elle n'est pas recensée dans le DSM-5, un grand manuel américain faisant référence dans le classement des maladies mentales, et on ne la trouve pas non plus dans le CIM-10, un annuaire des maladies reconnues utilisé notamment par la France. Cependant, une étude menée en 2013 par trois psychiatres d'Amsterdam sur 42 patients suggère que la misophonie peut être classée comme un trouble psychiatrique. La pathologie pourrait venir d'un dysfonctionnement des signaux neuronaux dans le cortex cingulaire antérieur et le cortex insulaire. Impliqués dans le syndrome de Gilles de la Tourette, ces cortex influencent les informations sensorielles, mais aussi la douleur et la colère.
Le problème ne serait donc pas auditif, mais neurologique ou psychologique. Reste que pour le moment, la misophonie est quasiment impossible à soigner. Le docteur Jastreboff propose un traitement qui consiste à écouter des sons qui dérangent en les associant à d'autres sons comme la musique. Mais si cette solution à 90% de chances de réussite, il faudrait environ neuf mois pour obtenir des résultats. D'autres médecins conseillent aux misophones de se munir de casques anti-bruit ou de bouchons d'oreille.