"Il commence à te toucher, t'embrasser. Il m'a fait toucher son entrejambe. Il me sort une phrase du type: 'si tu as l'impression que je suis ton copain, tu seras plus à l'aise sur la photo'...". C'est une enquête absolument édifiante que vient de publier le magazine Néon. Sur le site de la revue, de nombreuses femmes dénoncent le comportement abusif de Wilfrid A., un street artist et photographe réputé de la capitale.
Vous le connaissez certainement pour son fameux tag "L'amour court les rues", que l'on retrouve à bien des endroits emblématiques de Paris. Mais aujourd'hui, Néon le suggère : c'est "un violeur" qui court les rues.
"Dragues" insistantes, physiques ou numériques, auprès de jeunes inconnues, mais aussi attouchements, agressions sexuelles, viols... Les faits énoncés dans ce reportage sont multiples. Et ce sont les mêmes situations qui se répètent au gré des voix anonymes. Accostées dans la rue ou contactées sur les réseaux sociaux, les nombreuses victimes subissent ces agissements lors des "shootings" privés organisés par l'artiste, le plus souvent dans son propre appartement. Mais aujourd'hui, certaines d'entre elles ont décidé de briser le silence.
"Il a des méthodes très bizarres. Il t'explique que pour que tu sois à l'aise sur la photo, il faut que tu sois plus détendue [...] Il m'a mis un doigt, soi-disant pour me détendre. C'était très violent. J'étais choquée, déçue, en colère. Je ne savais pas comment faire pour sortir de là", témoigne à ce titre l'une des interlocutrices.
Cette enquête n'est pas le récit d'agressions isolées, non, mais de tout un système insidieux traversé de méthodes identiques. Une mécanique que son auteur aurait fait perdurer dix ans durant. Avec la même impunité.
"Il se met sur moi, il commence à approcher ses lèvres de ma bouche, à me toucher les fesses, les jambes, il me pelote les seins comme jamais. Je dis 'on arrête, c'est pas pour moi' et il répond : 'Pourquoi, je suis en train de t'exciter ? Tu as peur de céder ?' Je pense que cette phrase restera à jamais dans ma mémoire", raconte encore l'une des victimes. Des situations de sidération comme celle-ci se seraient répétées au fil des années. Avant la séance-photo qui précède l'agression, Wilfrid A. aurait pour habitude de proposer "un verre, rien de plus" à ses victimes. Sur sa page Facebook, observe Néon, il est même précisé que l'artiste aime la "viande bien fraîche".
"Dans notre secteur c'était un sujet de blague, un pervers parmi tant d'autres. Les Batignolles, Pigalle, Montmartre... C'était son terrain de chasse", déplore Charlotte, qui aurait subi les avances du street artist quinquagénaire... alors qu'elle n'avait que dix-huit ans. "Il a eu des comportements déplacés. Il insiste très lourdement pour qu'on fasse une séance photo de plus en plus dénudée, j'ai eu du mal à imposer mes limites. Il me fait m'allonger sur le lit, il s'est frotté à mon entrejambe très fortement en étant habillé, moi j'étais pas vêtue", se remémore une autre jeune femme. Pour Néon, ces agissements constituent une véritable "traque", au sein de laquelle s'enlacent emprise psychologique, pressions diverses, agressions physiques et sexuelles.
Par-delà la violence des faits décrits, c'est l'absence de questionnement du photographe qui choque. En messagerie privée, se dernier se vante de "proposer très souvent des verres à ses fans", et distribue des cartes à toutes celles qu'il croise. Lorsque l'une de ses victimes lui fait comprendre qu'il est un violeur, il rétorque par un pouce bleu (sur Messenger)... avant de lui proposer un autre verre. Loin des murs de son appartement, l'on découvre même le récit d'agressions de rue (baisers forcés, réflexions déplacées sur de jeunes inconnues).
Malgré cette "réputation" bien avancée, peu de victimes ont osé porter plainte. Néanmoins, par-delà le travail d'enquête considérable de Néon, c'est au gré des "graffs" de la capitale que la parole se libère - aussi. Le tag "L'amour court les rues" est parfois barré. Et remplacé par un plus éloquent "Un violeur court les rues".