« Que de tels prix existent me dégoûte. Quel progrès y a-t-il à décerner des récompenses aussi ghettoïsantes, aussi ostracisantes, qui clament que les films tournés par des gays sont des films gays ? On divise avec ces catégories. On fragmente le monde en petites communautés étanches. La Queer Palm, je ne suis pas allé la chercher. Ils veulent toujours me la remettre. Jamais ! L'homosexualité, il peut y en avoir dans mes films comme il peut ne pas y en avoir. »
Ces propos du réalisateur en vogue Xavier Dolan, interrogé dans Télérama au sujet de son refus de venir chercher la Queer Palm, récompense LGBT décernée chaque année pendant le Festival de Cannes et attribuée en 2012 à son troisième film Laurence Anyways, ont mis le feu aux poudres. Associations gays, militants, et organisateurs de festivals LGBT ont critiqué la position du Québécois primé à Cannes pour le film Mommy.
Contacté par Terrafemina, Didier Lestrade n’a pas de mots trop forts pour juger la sortie du jeune lauréat du Prix du jury : « Ce reniement est choquant venant d’un réalisateur qui s’est fait connaître grâce à des films qui abordent des sujet typiquement gays, comme la relation d’un fils avec sa mère (thème du film J’ai tué ma mère, ndr). S’il ne voulait pas être étiqueté, il n’avait qu’à faire son premier film sur des sauterelles ! »
Pour le co-fondateur du magazine Têtu, « Xavier Dolan trahit non seulement son public de base, auquel il doit en partie son succès, mais également les festivals qui l’ont fait connaître à ses débuts, qui se sont engagés pour lui. Il se comporte comme Pedro Almodovar, François Ozon ou Christophe Honoré qui ne rechignaient pas, au début de leur carrière à ce que leurs films soient sélectionnés dans des festivals LGBT, et qui ont, par la suite, renié leur identité. Cela me rappelle quand Almodovar avait refusé de donner une interview à Têtu au motif que c’était un magazine gay... »
Et Didier Lestrade de dénoncer une « stratégie commerciale » typique dans le milieu du cinéma : « C’est comme Ang Lee, qui refusait de prononcer le mot homosexuel pour parler de Brokeback Mountain, un des plus beaux films sur l’homosexualité ! C’était purement commercial. »
Interrogé au sujet de la couverture que consacre, ce mois-ci, Têtu à Xavier Dolan, Didier Lestrade - qui a quitté le magazine en 2008 - est sans appel : « Si j’avais été encore là-bas, je n’aurais pas accepté de l’interviewer et encore moins de le mettre en couverture du magazine après ces propos, qui sont une insulte à la communauté gay ». Le journaliste français tente ici de retourner l'argument du réalisateur : « C’est lui qui est ostracisant, il a fait son coming-out très tôt car ça l’arrangeait, et maintenant il a honte qu’on puisse le considérer comme un réalisateur gay, c’est pathétique. »
@XDolan en couverture du nouveau @TETUmag. Dans les kiosques mercredi. pic.twitter.com/ATHCV0JXFG
— TÊTU (@TETUmag) September 22, 2014