Trois ans. Cela fait déjà trois ans que la pornstar Ron Jeremy, vedette du porno américain des années 80, est accusé d'agression sexuelle par de nombreuses plaignantes. En 2017, une enquête conséquente du magazine Rolling Stone relatait les divers témoignages à son sujet : attouchements forcés (de seins, de fesses) auprès de camgirls ou de fans lors de festivals et de salons, comportements et propos "déplacés", mais aussi accusations de viol, émanant d'actrices X comme Jennifer Steele et Ginger Lynn... Mais des années après ces enquêtes ambitieuses, faisant suite aux premiers coups d'éclat de la révolution #MeToo, qu'en est-il ?
En ce mois de septembre 2020, Ron Jeremy vient d'être inculpé de pas moins de 20 chefs d'accusation pour agression sexuelle par le procureur du comté de Los Angeles. Des motifs d'accusation qui impliqueraient 13 femmes. Les faits relatés ? Fellation forcée, sodomie sans consentement, pénétration forcée "avec un objet étranger"... De nombreuses agressions qui s'étendraient de 2004 à 2020. Parmi ces affaires accablantes, une accusation "de conduite obscène" envers une jeune fille de 15 ans seulement, relate le magazine People.
Les accusations les plus récentes - de viol et d'agression sexuelle - remontent quant à elles au mois de juin dernier. Comme nous l'indique le site, suivant le verdict final du juge du tribunal de Los Angeles, Ron Jeremy pourrait être emprisonné à vie. Le principal concerné, quant à lui, plaide encore et toujours "non coupable".
Ron Jeremy "n'est pas un violeur", insiste son avocat Stuart Goldfarb. Ce dernier - qui privilégie une défense bien particulière - affirme même que "ce sont les femmes qui se jettent sur lui", du fait de sa notoriété au sein du milieu. Dans les pages de Rolling Stone, Ron Jeremy l'énonçait d'ailleurs déjà en 2017 : "Je n'ai jamais violé et ne violerai jamais personne". La personnalité insistait pour que l'on s'intéresse plutôt "aux vrais prédateurs".
Parmi les voix qui avancent le contraire aujourd'hui, on trouve notamment celle de Kristin Brodie, une étudiante travaillant comme mannequin au sein de ces salons faisant la promotion de l'industrie pornographique. La jeune femme aurait subi des attouchements (sur ses seins, ses fesses) et aurait été agressée sexuellement. Les lieux des faits incriminants abondent : événements promotionnels, salons professionnels, commerces pour adultes...
Curieusement, l'industrie porno n'est pas la dernière quand l'on parle de paroles (difficilement) libérées et d'omerta qui se brise. En 2015, une affaire majeure défrayait déjà la chronique : la réalisatrice féministe et actrice X Stoya accusait son ancien compagnon James Deen, également acteur pornographique, de viol. "James Deen m'a plaquée au sol et m'a baisée alors que je disais 'non, arrête'. Je ne peux plus acquiescer et sourire quand les gens parlent de lui", écrivait-elle sur Twitter. Au fil des mois, sept autres "performeuses" professionnelles, de Tori Lux à Nickie Blue, ont à l'unisson accusé l'acteur d'agression sexuelle, de violences physiques et de viol.
Oui, #MeToo existe donc bel et bien dans la scène pornographique, et ce bien avant l'éclosion du mouvement d'ailleurs. Mais les voix peinent encore à se faire entendre. Et à s'énoncer. Il y a cinq ans de cela, présentée comme celle qui "a brisé la loi du silence" au sein de "l'autre Hollywood", Stoya le narrait au Guardian : "Cela m'a pris des mois et des mois et des mois pour être capable de mettre un mot sur ce qui m'était arrivé – un viol". Et l'artiste de déplorer l'existence d'une culture du viol qui, dans l'industrie du porno, perdure encore et toujours.