Nounours, poupée, manche de pull, lange, vieux t-shirt, ami imaginaire aussi parfois, le doudou des tout-petits peut revêtir bien des formes. Mais à quoi sert-il et jusqu'à quand est-il nécessaire à l'enfant ? Florence Millot, pédopsychiatre à Paris, nous éclaire sur cet objet bien mystérieux si cher aux enfants.
Florence Millot : Le doudou constitue ce que l'on appelle en langage psychologique 'un objet transitionnel' permettant à l'enfant de passer du monde de la fusion au monde extérieur plus facilement. En venant au monde, le bébé est dans un bain sensoriel, il sent l'odeur de sa mère, ressent ses émotions et lui accorde une confiance aveugle car il n'a aucune autre vision du monde que la sienne. Mais, lorsque survient la phase du quatre pattes et du début de la marche, l'enfant prend peu à peu de l'autonomie et commence à se détacher. Pour autant, il a toujours besoin de sa maman pour le rassurer. En guise de compromis entre sa maman et le monde extérieur, il va naturellement se tourner vers un objet transitionnel l'aidant à faire la liaison entre les deux mondes.
F.M : La tétine n'est pas un doudou. Tout comme lorsqu'un enfant suce son pouce, cet effet de succion provoque un apaisement et facilite l'endormissement. Cette succion fait monter la salive et sécrète des endorphines, hormones du bonheur et du bien-être, agissant comme un anti-stress. La tétine et le doudou ont donc des vocations différentes. La première répond à un pur besoin de succion, quand le doudou répond à une élaboration plus mentale.
F.M : Le doudou est un peu comme une "mini-maman" que l'on emmène partout avec soi et qui nous rassure. Souvent d'ailleurs, il est empreint de son odeur et elle le lui donne au moment du coucher. Il devient alors très vite important pour l'enfant. Il n'y a qu'à voir dans quel état nous-même, nous nous trouvons lorsque l'on ne met pas immédiatement la main sur le doudou de son enfant. Même dans la rue, lorsque l'on tombe sur un doudou égaré, on va chercher à le mettre en évidence parce qu'on a peur pour le pauvre enfant qui l'a perdu. C'est un objet sacré de l'enfance qu'on a d'ailleurs bien du mal à jeter par la suite, préférant souvent le conserver en souvenir.
F.M : De sa naissance à ses 1 an, on parlera plus de 'pré-doudous'. Il s'agit d'un objet, peu importe sa forme, empreint de l'odeur de la maman. Ce n'est que lorsque l'enfant entre dans la phase de séparation avec sa mère qu'il va réellement avoir besoin d'un 'vrai doudou'. En effet, jusqu'à 4 ans, l'enfant a beaucoup de mal à exprimer ses émotions, d'où l'utilité de cet objet transitionnel auquel il va pouvoir tout raconter, ses malheurs, ses secrets... et qui épongera aussi ses chagrins et ses colères. Lors de ses premières années, l'enfant évolue encore dans un monde très enfantin où règnent toutes sortes de petites peurs et son doudou est là pour l'aider à dépasser tout ça.
Le film d'animation Baby Boss , au cinéma à partir du 29 mars.
F.M : C'est une question de caractère, de sensibilité et surtout d'attachement. Il y a des enfants qui ont besoin d'être avec les autres pour être bien, de parler avec eux pour se rassurer. Chez d'autres c'est plus intérieur, ils gardent leurs émotions pour eux. C'est la même chose chez les adultes.
F.M : Il n'y a pas vraiment d'âge. Généralement, vers 5 ou 6 ans, lorsque l'enfant se sent suffisamment rassuré, il abandonne son doudou. Parfois, les enfants ont juste besoin de l'avoir dans leur sac, ils ne le sortent pas mais savent qu'il est là, et cela leur suffit. D'ailleurs, lorsqu'ils quittent leur doudou, ils vont bien souvent en prendre un autre car les doudous durent toute la vie. Chez les adultes, il peut s'agir de la cigarette, du smartphone, de sucreries, d'une musique, d'une personne... Quelque chose auquel on se raccroche, qui nous réconforte et dont on a du mal à se passer.
Il est donc inutile d'essayer d'enlever son doudou à l'enfant, parce qu'il s'en trouvera un autre, ce n'est pas simplement un objet. Lorsqu'on les contraint à s'en séparer, certains enfants se mettent à coller leurs parents alors que, paradoxalement, le doudou permet à l'enfant d'être plus autonome.
En revanche, si l'on sent que l'enfant est très accroché à son doudou ou constamment dans nos pattes, c'est peut-être qu'il a encore du mal à aller vers le monde extérieur. Il faut donc l'inciter à s'amuser avec ses copains ou/et à jouer à la maison avec ses jeux. A partir du moment où l'enfant s'épanouira dans l'imaginaire et le langage, il va avoir la capacité à se rassurer tout seul, à se divertir".
F.M : En général, c'est l'enfant qui choisit lui-même son doudou. Et il devrait avoir l'embarras du choix tant les doudous font partie des cadeaux de naissance privilégiés par l'entourage. Mais, on a beau tenter de lui en faire préférer un, ça ne fonctionne pas toujours, il choisira celui qu'il préfère, ce ne sera pas forcément le plus beau mais celui qui le rassure le plus.
F.M : Il existe maintenant des doudous à puce qui permettent aux parents de savoir où le doudou a été perdu. On peut aussi l'acheter en deux exemplaires, mais il faut alors qu'ils soient imprégnés des mêmes odeurs, sinon ça ne marchera pas. Ce que l'enfant apprécie dans son doudou, ce sont les sensations qu'il lui produit : de pouvoir le toucher, le sucer et le sentir. Si l'un de ses sens ne s'y retrouve plus, cela n'a plus aucun intérêt pour lui. C'est donc une gymnastique à mettre en place pour les parents pour que les deux doudous soient identiques. Mais si l'on en a qu'un et qu'il le perd, ce n'est pas non plus un drame. En principe, il va s'adapter, se retournera sur un autre. Un peu comme lors d'un chagrin d'amour, on finit toujours par s'en remettre et trouver notre bonheur ailleurs.