"C'était il y a deux mois et les écoles n'ont toujours pas rouvert, ça me rend si triste". Au micro de la BBC, cette jeune Afghane de 19 ans se souvient de l'émotion vive qu'avait suscitée, une heure à peine après leur réouverture, l'annonce des talibans de fermer indéfiniment les écoles pour filles, le 23 mars dernier. Elle fait partie d'une poignée d'élèves à suivre régulièrement la classe d'une professeure qui résiste à l'ordre du régime.
Dans un quartier résidentiel du pays, ce jour-là, l'enseignante donne un cours illégal de mathématiques. "On sait les menaces que cela représente et ça nous inquiète, mais l'éducation des filles vaut le coup qu'on prenne tous les risques", affirme-t-elle.
Une détermination qui se retrouve aussi chez les jeunes filles. "Soyez courageuses", incite l'une d'elles, 15 ans, à toutes les filles d'Afghanistan. "Si vous êtes courageuses, personne ne pourra vous arrêter."
Aux côtés de l'institutrice, des militantes pour les droits des femmes participent également à faire tourner l'établissement clandestin. Au total, quelques heures de cours par jour sont dispensées - principalement des matières scientifiques - pour tenter "de faire en sorte qu'une génération de filles ne soit pas laissée pour compte", rapporte le média britannique.
"En tant que femme instruite, c'est mon devoir", martèle encore la professeure à la BBC. "L'éducation peut nous sauver de cette obscurité".
Au sein même du gouvernement taliban, les avis sur la question divergent. Les écoles primaires ont rouvert, mais la date sur celles du secondaire reste floue. En cause, le "sujet sensible" que représenterait l'éducation des jeunes filles. Seulement, même l'argument religieux ne tient pas.
"Il n'y a pas de justification dans la charia pour interdire l'éducation aux femmes. Il n'y en a aucune", explique à la BBC Rahimullah Haqqani, un clerc afghan résidant au Pakistan. "Tous les livres sacrés ont statué que l'éducation des femmes est admise et obligatoire. Par exemple, si une femme tombe malade et a besoin de traitements, c'est bien mieux si elle est soignée par une femme docteure."
D'après plusieurs sources, quelques hauts dirigeants talibans auraient exprimé leur déception face à la fermeture des écoles, certains enverraient même leurs propres filles étudier au Qatar ou au Pakistan. Un droit devenu privilège, dont le peuple demeure tragiquement privé.