S'il y a heureusement des hommes prêts à revêtir la burqa en solidarité avec les femmes afghanes, la route est encore longue pour que ces dernières soient traitées avec respect et considérées comme égales aux hommes. La preuve avec Kubra Khademi, une artiste engagée qui n'a pas hésité à mettre sa vie en danger pour dénoncer les violences et le harcèlement sexuel dont sont quotidiennement victimes les femmes en Afghanistan.
Le 26 février dernier, aux alentours de 18 heures, cette jeune activiste de 27 ans a défilé dans les rues bondées de Kaboul vêtue d'une armure en fer épousant ses fesses et sa poitrine. L'objectif de son happening ? Protester contre les attouchements que subissent les femmes dans les lieux publics. Interrogée par France24 , Kubra Khademi explique : "Je subis pratiquement tous les jours des attouchements et des insultes dans les rues de Kaboul, depuis toute petite. En grandissant, la situation a encore empiré."
"Je me suis dit que je devais réagir, me battre et répondre aux insultes. Mais combien de fois par jour pourrais-je mener ce combat épuisant ? [...] J'ai donc décidé de faire une performance de rue pour montrer aux hommes que leur comportement est indécent, et montrer à la société ce que les femmes doivent subir chaque jour."
Vêtue d'une armure de fer qu'elle a fait façonner pour 500 afghanis (un peu moins de 10 dollars), Kubra Khademi a commencé à marcher dans dans Kote Sangi, le quartier le plus populaire de Kaboul. "Avant de sortir, j'ai prié pour ne pas être pourchassée et tuée par une foule hostile. Malheureusement, mes craintes étaient fondées. Quelques minutes après avoir commencé à marcher, des hommes se sont mis à me suivre et à m'insulter. Certains m'ont même jeté des pierres."
Assaillie par une foule composée d'hommes hostiles à sa démarche, Kubra Khademi a préféré battre en retraite. Huit minutes seulement après le début de sa performance, elle s'est ruée dans un taxi. Certains hommes ont poursuivi la voiture jusqu'à ce qu'elle soit finalement hors de portée.
Depuis, la jeune femme a été contrainte de quitter son logement. "Je vis désormais cachée chez des amis dans la banlieue de Kaboul", a-t-elle confié à France24.
Pour autant, pas question pour elle d'abandonner son combat. "Je pense que le règne des talibans et les 13 années de guerre qui ont suivi ont détruit nos valeurs et notre culture. La montée de l'extrémisme et de la violence a créé beaucoup de frustration, ce qui conduit à ce type de comportement déviant. Nous vivons dans une société patriarcale, où les femmes sont considérées comme des citoyens de seconde classe. Lorsque nous nous plaignons du harcèlement sexuel, les hommes disent souvent que si une femme porte le voile, personne ne la dérange. Mais c'est faux évidemment, puisque même les femmes qui portent la burqa sont harcelées dans la rue."
Kubra Khademi en profite pour dénoncer l'inertie du gouvernement de d'Ashraf Ghani, incapable d'enrayer le problème ou d'apporter de l'aide aux victimes de harcèlement sexuel. "Nous n'avons même pas de ligne d'écoute à appeler. Les familles portent aussi leur part de responsabilité. Une femme qui est victime de ce type d'abus ne osera en parler à son père ou de sa mère, de peur de les déshonorer."
"Les femmes doivent abattre ce mur de silence. Nous devons parler de ce problème autant que possible et faire pression sur les autorités pour qu'elles interviennent enfin. Si je ne parle pas maintenant, un jour ma fille devra faire face à ce genre de harcèlement, et sa fille après elle. Ma génération doit briser ce cercle vicieux."
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