C'est une scène peu commune qui s'est déroulée ce jeudi 5 mars à Kaboul, en Afghanistan. Sous les yeux médusés des passants, une vingtaine d'hommes membres de l'association de l'association Société civile ont défilé vêtus d'une burqa dans les rues de la capitale afghane. Une démarche symbolique, à trois jours de la Journée internationale des droits des femmes : alors que la dernière guerre d'Afghanistan a abouti au renversement du régime taliban et à la destruction des bases d'Al-Qaïda dans le pays, nombreuses sont pourtant les femmes à être toujours obligées de porter ce voile recouvrant intégralement leur corps. Cette initiative fait écho à celle des Turcs qui, fin février, avaient manifesté vêtus de jupes pour dénoncer la recrudescence des violences contre les femmes.
Interviewé par Sputnik, le coordinateur de la marche Zuhal Sarhad Alireza Yasa, explique que l'opération a avant tout comme objectif de montrer aux femmes afghanes que les hommes peuvent se montrer solidaires de leur condition et militer à leurs côtés pour leur émancipation. " Les femmes afghanes sont confrontées à de nombreux problèmes au quotidien, explique Zuhal Sarhad Alireza Yasa. En fait, chez nous mais aussi dans Le Monde entier, les femmes se trouvent dans une situation plus vulnérable que les hommes. On cherche aujourd'hui à changer cette règle dans certains pays, mais les exceptions ne font que confirmer la règle – les hommes dominent dans la famille et dans la société, c'est ainsi. "
" La plupart des hommes, mêmes les plus instruits, pensent que la place de la femme est en cuisine et interdisent à leur épouse de travailler. Nous, les hommes, devons ressentir nous-mêmes ce que représentent pour les femmes le travail à la maison, la cuisine et le ménage [...]En revêtant la burqa nous voulons exprimer notre compassion envers les femmes qui doivent le faire de jour en jour et proclamer qu'il s'agit également d'une forme de violence à l'encontre des femmes. "
Pourtant, depuis la chute du régime taliban en 2001, les progrès de la condition féminine en Afghanistan sont nettement visibles. Dans un article paru en février 2014, Le Monde rappelait que 27,7% des députés du pays sont aujourd'hui des femmes (soit un taux supérieur à la moyenne mondiale de 21,7%). Les femmes sont aussi de plus en plus présentes aux postes de pouvoir : elles sont ainsi quatre fois plus nombreuses qu'en 2007 à exercer des fonctions au sein de la justice et trois fois plus présentes qu'en 2003 à travailler dans la justice. Surtout, les filles ont aussi accès à la même éducation que les garçons : 40% des élèves du primaire et du secondaire sont des filles.
L'amélioration de la condition des femmes dans le pays ne doit cependant pas cacher que ces dernières restent, encore et toujours, considérées comme " inférieures " aux hommes. Dans le collimateur des ultra-conservateurs proches du président afghan Hamid Karzai, qui voient d'un mauvais oeil leur présence dans les instances dirigeantes du pays, les femmes sont aussi de plus en plus la cible de violences. Selon l'Afghanistan Independent Human Rights Commission, le nombre de cas de violences contre les femmes a augmenté de 24,7% durant les six premiers mois de l'année 2013 par rapport à l'année 2012.
Selon Human Rights Watch, le nombre d'Afghanes incarcérées pour " crimes moraux " a augmenté de moitié entre 2012 et mai 2013. En un an et demi, 600 femmes afghanes victimes de viols ou ayant fui leur domicile ont été incarcérées au nom de la charia.
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