On a beaucoup dit du procès des viols de Mazan qu'il était inédit par le nombre d'accusés. En effet, dans l'affaire Pelicot, 51 hommes comparaissaient sur le banc des accusés pour avoir violé Gisèle Pelicot après que son mari Dominique Pelicot l'a sédatée. Des faits qui se sont répétés pendant une dizaine d'années. Le 19 décembre, on vous disait dans cet article que le verdict des peine avait été rendu et avait déclenché beaucoup de colère. En réalité, ce n'est pas la première fois que des dizaines d'hommes comparaissent pour une même affaire de viols.
Le jour où le verdict de l'affaire Pelicot a été rendu, les journalistes invités de l'émission "L'heure des Pros", sur CNews, débattaient des résultats du procès. Parmi eux, Geoffroy Lejeune, actuel directeur de rédaction du Journal du Dimanche (JDD) dont la ligne éditoriale est à l'extrême droite. C'est là que l'affaire Pelicot a été comparée à l'affaire dite "des ballets roses".
Pour rappel, ce scandale politique de pédocriminalité a défrayé la chronique française en 1959. Elle a été surnommée l'affaire des ballets roses car il était question de soirées organisées par des célébrités, notamment des hommes politiques, avec des filles mineurs. Ces soirées avaient lieu au pavillon du Butard qui était alors à la disposition du président de l'Assemblée nationale, André Le Troquer. Mis en cause, il écopera de seulement un an de prison avec sursis et 9 000 Nouveaux Francs d'amende, soit presque 17.000 euros.
Au sujet de cette affaire, Pascal Praud rappelle que, lors du procès, "on a quasiment criminalisé les jeunes femmes qui avaient 13,14 ou 15 ans, en expliquant qu'elles étaient responsables des viols qu'elles avaient subis". On rappelle que dans l'affaire des viols de Mazan, les avocats de la défense ont eux aussi tentés de faire adopter l'idée selon laquelle Gisèle Pelicot était consentante et participait en fait activement avec son mari à de l'échangisme. Mais Geoffroy Lejeune n'est pas d'avis de comparer les deux affaires.
"Sauf que, pardon, c'était autre chose, elles étaient consentantes déjà pour commencer, ça n'a rien à voir", répond-il à Pascal Praud. "Tu n'es pas consentante à 13 ans", lui rétorque l'animateur. Cela devrait suffire, mais non. Le directeur du JDD insiste. "Bien sûr que oui, mais ce que je veux dire c'est que là, en l'occurrence, c'est un viol Gisèle Pelicot. À l'époque c'était des parties fines", affirme-t-il.
Des "parties fines" pour qualifier des viols perpétrés par des hommes sur des fillettes de 12 à 15 ans... non, vous ne rêvez pas. Certes, l'âge de consentement n’existe pas dans la loi en France. Toutefois, depuis 2021, il existe "un nouvel interdit", comme l'expliquait alors Annick Billon, présidente de la délégation aux droits des femmes qui avait proposé cette réforme. Celui de tout rapport sexuel avec un mineur de moins de 15 ans, sans que la justice ait besoin de s’interroger sur l’éventuel consentement de l’enfant.
Désormais, tout acte de pénétration sur un mineur de moins de 15 ans sera considéré comme un viol, crime puni de vingt ans de réclusion, quelles que soient les circonstances. Autrement dit, on considère d'office que l'enfant n'est pas consentant.
Avant, tout acte de nature sexuelle sur un mineur de moins de 15 ans était considéré comme une "atteinte sexuelle" et donc comme un délit puni de sept ans d’emprisonnement. Ce sont ensuite les circonstances qui déterminaient ou non la qualification d’agression sexuelle ou de viol. Autrement dit, il fallait prouver qu’il y a avait eu "violence, contrainte, menace ou surprise", et ce même pour un enfant de moins de 15 ans. Dommage que Geoffroy Lejeune ne soit pas à jour de la loi.