À l'origine du supplice de Farkhunda, une simple rumeur. Le 19 mars dernier, cette jeune femme de 27 ans suivie depuis quatre ans pour des troubles mentaux, a été lynchée par une foule d'hommes, avant que son corps ne soit brûlé, puis jeté dans une rivière de Kaboul. Son crime ? Avoir supposément brûlé un exemplaire du Coran.
Filmée par des passants, la torture de Farkhunda a enflammé les réseaux sociaux après que des extraits de la vidéo ont été diffusés sur Internet. On y voit notamment des policiers en uniforme, qui assistent, indifférents, au lynchage de la jeune femme.
"Farkhunda était innocente"
Face à l'immense émotion suscitée dans le pays suite au meurtre de Farkhunda, le gouvernement afghan s'est saisi de l'affaire. Dans un communiqué diffusé lundi 23 mars, le ministre de l'Intérieur afghan Noorul Haq Ulumi a reconnu que "l'accusation la visant est complètement fausse [...] elle était innocente."
"Farkhunda était une femme religieuse [...] Il est très douloureux que nous n'ayons pas pu protéger une femme pieuse, nous espérons que cela ne se reproduira pas", a ajouté Noorul Haq Ulumi devant la chambre basse du parlement afghan alors qu'il répondait à des questions parlementaires.
Le ministère de l'Intérieur a par ailleurs fait savoir que suite au drame, 13 policiers ont été suspendus, dont le chef de la police du quartier où se sont déroulés les faits. "Nous en avons arrêté 13 en relation avec le meurtre de Farkhunda, même s'ils sont 100, nous les arrêterons tous", a promis de son côté le chef des investigations criminelles. Une dizaine d'autres personnes impliquées dans l'affaire ont également été arrêtées.
Les excuses du ministère de l'Intérieur n'ont cependant pas suffi à apaiser les esprits. Profondément choquées, des centaines de personnes ont assisté dimanche matin aux obsèques de Farkhunda, à Kaboul. Plusieurs membres du Parlement afghan, ainsi que des responsables gouvernementaux, avaient fait le déplacement. Le cercueil de la défunte a été porté au cimetière par des femmes, fait rare en Afghanistan.
Le lendemain, lundi 23 mars, une nouvelle manifestation a eu lieu à Kaboul, non loin de l'endroit où le corps de Farkhunda a été brûlé. Près de 200 personnes ont défilé pour crier leur colère contre le gouvernement et la police, qu'elles jugent inactives pour mettre un terme aux violences dont sont quotidiennement victimes les femmes. Symbole du supplice infligé à Farkhunda, de nombreuses femmes ont défilé un masque de papier rouge sur le visage, et brandi des pancartes où l'on pouvait lire : "Farkhunda a été brûlée dans le feu de l'ignorance" ou "Justice pour Farkhunda".
"C'est une honte pour nous tous, les parlementaires, les ministres, le président. C'est une catastrophe, cela montre que nous ne sommes pas humains. Tous les Afghans sont impliqués dans ce meurtre. Nous avons perdu notre statut et notre dignité à travers le monde", a confié à l'AFP l'un des manifestants, Mihrab Hussain Shirzad.
"Elle était notre soeur", a déclaré Ahmad Zia, aussi présent à la marche. "Les gens qui l'ont tuée n'avaient aucun respect pour les femmes, pour la loi, ou la charia. Nous voulons que le gouvernement suive cette affaire et arrête tous les meurtriers. Ce qu'ils ont fait ne représente pas ce que les Afghans veulent."
Une opinion partagée par l'ensemble des Afghans qui s'étaient rassemblés pour marcher en mémoire de Farkhunda. Alors que l'enquête était toujours en cours ce mardi à Kaboul, l'Union européenne a fermement condamné le meurtre de la jeune femme, ainsi que la manière dont les femmes sont traitées en Afghanistan. "Le meurtre de Mlle Farkhunda [...] nous rappelle tragiquement les dangers que les femmes encourent en raison d'accusations fausses et d'un manque de justice en Afghanistan", a déclaré un porte-parole du service diplomatique de l'Union européenne dans un communiqué.