"La concentration d'hommes dans un même lieu de pouvoir induit un climat propice aux agressions". Il a suffi à l'élue écologiste au Conseil de Paris et activiste féministe Alice Coffin de prononcer cette simple phrase sur l'antenne de BFM TV pour déchaîner les passions. La militante a l'habitude : souvent simplifiées à l'extrême, ses réflexions diverses, comme celles qui ponctuent son essai Le génie lesbien, scandalisent celles et ceux qui ne s'y attardent pas suffisamment.
Ce 10 février, Alice Coffin était invitée à réagir au mouvement de libération de la parole initié par le hashtag #SciencesPorcs, concernant des faits d'agressions, de violences et de harcèlements sexuels ayant eu lieu à Sciences Po. C'est justement le système inhérent à des institutions comme Sciences Po qu'Alice Coffin pointe du doigt en évoquant cette "concentration d'hommes" : comme le suggère l'autrice, ces écoles sont traversées et régies par les mécanismes d'un phénomène, le boys club.
Le boys club est une mécanique sociale, que l'on pourrait résumer par la notion "d'entre-soi masculin". Comme le définit l'autrice Martine Delvaux, il désigne tous ces clans d'hommes, réunis au sein d'un même organisation ou d'une structure, et garantissant par leur connivence et leur soutien mutuel "l'installation et l'exercice du pouvoir masculin (en particulier blanc et hétérosexuel)". Un pouvoir qui peut être synonyme de violences.
C'est également pour suggérer la réalité de ce phénomène, et les incidences néfastes de ses mécanismes, qu'Alice Coffin parle de "lieu de pouvoir". Face au journaliste Bruno Jeudy, la militante a d'ailleurs rapidement souligné qu'il ne s'agissait pas de "mettre tous les hommes dans le même panier". Las, l'éditorialiste politique et économique rétorque : "Votre discours radical nuit à votre propre cas". Un mot volontiers employé à propos d'une autre sentence d'Alice Coffin : sa volonté exprimée "de ne plus lire de livres écrits par des hommes, regarder de films réalisés par des hommes".
Les éditorialistes de la chaîne d'infos ne sont pas les seuls à mal accueillir cette mention des "concentrations d'hommes". Sur les réseaux sociaux, la femme politique est victime de bien des attaques sexistes. "Folle", "frustrée et malade mentale", "complètement cinglée", "demeurée", totalement givrée"... Sur Twitter, les spectateurs de BFM TV s'en donnent à coeur joie. Et certains internautes se permettent même un brin de mansplaining : "Ou comment ruiner 100 ans de combats féministes en quelques minutes !", affirme l'un d'entre eux.
A l'inverse, les soutiens sororaux se multiplient sur la plateforme afin de saluer cette prise de parole. "Immense soutien à Alice Coffin qui continue d'expliquer inlassablement le plus simplement possible les bases du féminisme à des gens qui persistent à laisser leurs oreilles fermées", s'exprime une internaute. "Merci Alice Coffin de rappeler le travail de déconstruction nécessaire du patriarcat, dénoncer l'entre-soi des lieux de pouvoir et le caractère systémique des violences sexistes", poursuit l'élue écologiste Chloé Sagaspe.
"J'ai une admiration sans borne pour Alice Coffin qui va sur des plateaux télé expliquer intelligemment les problèmes systémiques liés au patriarcat et qu'on lui sorte à chaque fois qu'elle 'nuit à la cause'. Non, elle nuit pas à la cause. Elle la fait grandir", explique encore la blogueuse féministe Emilie Marie-Victoire. Une cause qui bouscule tout un confort de pensée, malgré les quatre années qui nous séparent des prémices de #MeToo.
Sur Terrafemina, Alice Coffin pointait déjà du doigt en octobre 2020 "l'omniprésence et l'omnipotence des hommes dans les structures de pouvoir". Et en appelait à "la proposition d'un espace de respiration au sein de ce système patriarcal". Une proposition plus que jamais nécessaire en ces temps de brouhaha médiatique.