Les voix lyriques de Lady Gaga et Jennifer Lopez n'étaient pas les seules à retentir lors de l'investiture du président des Etats-Unis Joe Biden. Non, le temps de cette cérémonie marquant la fin de l'ère Trump, une toute autre parole a retentit, singulière mais tout aussi empouvoirante : celle d'Amanda Gorman, 22 ans seulement.
Mais qui est donc cette inspirante vingtenaire ? Une poétesse afro-américaine, saluée par ses pairs. Mais pas seulement : elle est la plus jeune poétesse a avoir été invitée lors de cette cérémonie dans toute l'histoire des Etats-Unis, excusez du peu. Un choix historique donc, pour une déclamation qui l'est tout autant. Face à la foule, immense, l'autrice a privilégié des vers fédérateurs, désirant réconcilier une Amérique tiraillée.
"When day comes we ask ourselves, / where can we find light in this never-ending shade? / The loss we carry / a sea we must wade", nous raconte son poème. Soit, dans la langue de Molière : "Quand le jour se lève, nous nous demandons, / où pouvons-nous donc trouver la lumière dans cet horizon sans fin ? / La perte que nous portons sur nous / est une mer sur laquelle il nous faut naviguer".
A l'heure d'une crise sanitaire, économique mais aussi politique, l'artiste donne le la à l'espoir.
Son poème, lui, s'intitule "The Hill We Climb", et, selon le Guardian, qui nous offre l'intégralité du texte, il aurait carrément "volé la vedette à l'inauguration" ! Disons plutôt que cette "colline que l'on gravit" va de paire avec l'optimisme qui recouvrait cet événement national. "Laissons derrière nous un pays meilleur que celui qu'il nous reste / À chaque souffle de ma poitrine martelée de bronze, nous porterons ce monde blessé pour en faire un monde merveilleux [...] / Nous reconstruirons, réconcilierons et restaurerons / Dans chaque recoin connu de notre nation, dans chaque coin appelé 'notre pays', notre peuple, diversifié et beau, émergera", narre la poétesse.
Et l'autrice de poursuivre : "Le jour venu, nous sortirons de l'ombre, enflammés et sans peur / La nouvelle aube fleurit dès lors que nous la libérons / Car il y a toujours de la lumière, lorsque nous sommes assez courageux pour le voir". A travers la voix de la poétesse, sollicitée par la Première dame Jill Biden le mois dernier, les références à l'histoire du peuple américain abondent. Au fil de ses métaphores, Amanda Gorman évoque aussi bien Abraham Lincoln et la Statue de la Liberté que les luttes de Martin Luther King, ou encore les Saintes Ecritures.
"Nous nous efforçons de forger notre union avec un seul but / Pour constituer un pays engagé vers toutes les cultures, couleurs, caractères et droits de l'homme / Nous levons nos regards non pas sur ce qui se tient entre nous, mais sur ce qui se tient devant nous", y raconte-t-elle encore avec lyrisme.
Pour la jeune native de la Cité des Anges, insister six minutes durant sur le lien millénaire qui unit les américains est essentiel suite à l'invasion du Capitol, émeute ayant révélé une facette haineuse de la nation. L'autrice ne peut cacher ce rapport à l'actualité. Comme l'énonce le site de France Culture, elle l'avoue ouvertement : "J'ai élaboré un poème inaugural qui reconnaît toutes ces cicatrices et ces blessures. J'espère qu'il nous fera progresser vers leur guérison", affirme-t-elle. Amanda Gorman croit fort en ce que l'on appelle "l'unité nationale".
L'avenir, en tout cas, semble appartenir à Amanda Gorman. Abondamment remarquée et saluée par les médias américains, la première poétesse nationale de la jeunesse (ou National Youth Poet Laureate), titre honorifique désignant son importance au sein du pays, poursuit avec ce discours une carrière des plus inspirantes.
Jusque là, les créations de cette ex-étudiante du Harvard College étaient reconnues pour leur qualité féministe et la puissance du style déployé. Désormais, ses mots risquent de faire le tour du monde.