Les Etats-Unis changent déjà. Exit l'Amérique de Donald Trump, bienvenue à celle de Joe Biden. C'est cet état d'esprit pour le moins stimulant qui a traversé la cérémonie d'investiture du président démocrate ce 20 janvier. Aux côtés du leader, un profil, et pas des moindres : celui de Kamala Harris, première vice-présidente de l'Histoire des Etats Unis. Une nomination historique. Et riche en symbolisme s'il en est.
Mais pas simplement car Kamala Harris est une femme noire et d'origine indienne, hantise d'un ex-président réputé pour sa misogynie et son racisme. Non, comme d'habitude chez l'ancienne procureure, le message est à chercher du côté des vêtements. En l'occurrence, de la couleur de la magnifique tenue qu'elle arborait ce mercredi 20 janvier : un violet éclatant, recouvrant robe et manteau, imaginés par le styliste afro-américain Christopher John Rogers.
Le violet, cette coloration aux mille nuances. Vice-présidente du Pantone Color Institute, source d'expertise dédiée aux couleurs, Laurie Pressman voit là un symbole d'unification très fort, essentiel dans une nation tiraillée. "Le violet est un mélange du rouge et du bleu, qui sont les deux couleurs associées aux principaux partis politiques des États-Unis", théorise ainsi la spécialiste du côté du magazine de mode WWD. Mais ce n'est pas tout.
Car le violet a une multiplicité de significations outre-Atlantique. Journaliste pour la chaîne d'informations américaine CNN, Abby Phillip voit là un hommage à l'une des principales sources d'inspiration de la vice-présidente : Shirley Chisholm, première femme noire élue au Congrès des États-Unis, mais aussi ancienne candidate à la présidence. En 1972, cette figure historique avait pour habitude de porter des tenues pourpres durant son ambitieuse campagne. Ce dont témoigne l'iconique profil qui ornait ses affiches.
"Shirley Chisholm a creusé un chemin pour moi, et pour tant d'autres", avouait le 16 janvier dernier Kamala Harris sur ses réseaux sociaux. La relève est donc assurée. Aujourd'hui, la vice-présidente fait sienne cette citation de la congressiste : "Je suis et serai toujours un catalyseur de changement". Changement au féminin, mais surtout, féministe. Car par-delà ces références nationales, le violet porte en lui une force révolutionnaire mondiale.
Et cela ne date pas d'hier. A la fin du 19e siècle déjà, le mouvement historique des Suffragettes, luttant pour le droit de vote des femmes en Angleterre, paradait dans les rues en arborant, sous la forme de rubans volatiles, un triomphant violet. Depuis les élans sororaux du Women's Social and Political Union, ce rapport entre couleur pourpre et égalité des sexes n'a jamais cessé d'être attisé. De l'Amérique latine à la France, le violet est aujourd'hui adopté par les militantes féministes du monde entier.
Quand les citoyennes colombiennes dénoncent le fléau des féministes, le violet se propage comme un slogan. Idem lors de la mobilisation Nous Toutes, investissant les grandes villes de l'Hexagone afin de clamer la réalité des violences sexistes et sexuelles, ou lors des Women's March, fustigeant la présidence Trump. Voir Kamala Harris en porter est donc tout à fait réjouissant. Mais pas si étonnant. Récemment encore, la démocrate arborait de belles chaussettes ornées d'un slogan tout aussi empouvoirant : "The future is female".
"L'avenir appartient aux femmes", donc. Adage que semblent partager Hillary Clinton et Michelle Obama, elles aussi connues pour leur amour de ce violet aux mille nuances. Un symbole qui traverse les générations.